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ques affiliés à la secte économique en ont eu communication. En 1755, il fut nommé de l’académie d’Herculanum ; et il a eu beaucoup de part au premier volume des planches. Il composa à cette occasion, sur la peinture des Anciens, une Dissertation fort étendue, dont M. l’abbé Arnaud a été à portée de juger. Mais celui de ses ouvrages qu’il estime le plus est son Oraison funèbre de Benoît XIV ; je la connais, et c’est, à mon avis, un morceau plein d’éloquence et de nerf. La nécessité de se livrer aux affaires politiques ralentit sa course dans une carrière où il était entré à l’âge de dix-neuf ans. Il vint en France, où il ne produisit plus que des clandestins, si l’on en excepte son dernier ouvrage sur le commerce des blés, modèle de dialogues qui restera à côté des Lettres de Pascal, longtemps après qu’il ne sera plus question, ni des sujets, ni des personnages dont ces deux beaux génies se seront occupés. Nous connaissons tous ici son Commentaire sur Horace, ouvrage savant et gai, fruit d’un de ses moments de tristesse et d’ennui. On formerait une liste considérable des pièces recelées dans son portefeuille ; on y trouverait, à côté de son morceau sur les peintures d’Herculanum et de sa Dissertation sur le Vésuve, une traduction de l’ouvrage de Locke sur les monnaies, avec des notes de sa façon ; une traduction en vers du premier livre de l’Anti-Lucrèce[1], quelques poésies, une Dissertation sur les rois carthaginois et d’autres écrits sur différents points d’érudition.

Je connais peu d’hommes qui aient autant lu, plus réfléchi et acquis une aussi ample provision de connaissances. Je l’ai tâté par les côtés qui me sont familiers, et je ne l’ai trouvé en défaut sur aucun. Sa pénétration est telle, qu’il n’y a point de matière ingrate ou usée pour lui. Il a le talent de voir, dans les sujets les plus communs, toujours quelque face qu’on n’avait point observée ; de lier et d’éclaircir les plus disparates par des rapprochements singuliers et de trancher les difficultés les plus sérieuses par des apologues originaux dont les esprits superficiels ne sentent pas toute la portée. Il n’appartient pas à tout le monde de saisir sa plaisanterie. Gai en société, je le crois mélancolique quand il est seul. Il parle volontiers et longtemps ; mais quand on aime à s’instruire, on ne l’accuse pas d’avoir trop

  1. Poëme latin du cardinal Melchior de Polignac, revu par l’abbé de Rothelin et Lebeau, 1747.