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les premiers siècles de Rome jusqu’au moment où il eût écrit ; mais le poëte franchit rapidement cet intervalle, en s’écriant : « Ô temps ! que n’as-tu point altéré ? Nos pères ont été plus corrompus que leurs aïeux ; nous sommes plus corrompus que nos pères, et la race que nous laisserons après nous sera pire que nous. »

Voilà, ce me semble, l’analyse de l’ode d’Horace ; ce n’est pas une enfilade de strophes isolées dont on puisse, sans inconvénient, augmenter ou diminuer le nombre ; c’est un tout où, du commencement à la fin, on ne lit pas un mot qui n’ait une liaison étroite avec le sujet. Rapportez majorum à immeritus, et le poëme est clair ; rapportez majorum à delicta ; traduisez : « Romains, vous serez punis des fautes de vos ancêtres ; vous porterez la peine des fautes que vous n’avez point commises ; » et l’ode est inintelligible. Ce sont ceux qu’on cite pour exemple, qui sont des vauriens ; ce sont ces vauriens qui ont irrité les dieux et qui leur ont élevé des temples ; et ce sont leurs descendants qui les laissent tomber en ruine, qui sont souillés d’impiétés, de sacriléges et de vices ; qui sont toutefois innocents, et qui seront punis. On ne sait ce qu’Horace a voulu dire. Le but de l’ode et le sens commun exigent donc également que majorum soit le régime de immeritus, et non celui de delicta.

En conscience, quand on dit à des citoyens : « Vos filles s’exercent à des danses lascives, et méditent le crime au sortir du berceau ; vos jeunes femmes dédaignent leurs époux, et volent d’adultères en adultères ; celle-ci se prostitue à un appareilleur de bâtiments ; celle-là à un capitaine de vaisseau ; » comment peut-on ajouter : « Et vous êtes innocents, et c’est des fautes d’autrui que vous serez punis ! »

Lorsque le poëte s’écrie :

Damnosa quid non imminuit dies ?
Ætas parentum, pejor avis, tulit
Nos nequiores, mox daturos
Progeniem vitiosiorem,


ne distingue-t-il pas quatre générations ; des premiers ancêtres, hommes pieux, bonnes gens, chefs de descendants de plus en