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— De tout mon cœur. Que vous préfériez la nuit au récit, je n’en suis pas en peine ; mais ce que je désirerais, c’est que…

— Achevez ; il y a peu de chose que je ne me sente le courage d’entreprendre pour vous obliger.

— C’est que vous restassiez entre ses bras jusqu’au jour ; j’arriverais, je vous surprendrais.

— Oh ! non, chevalier, cela serait trop méchant.

— Trop méchant ? Je ne le suis pas tant que vous pensez. Auparavant je me déshabillerais dans la garde-robe.

— Allons, chevalier, vous avez le diable au corps. Et puis cela ne se peut : si vous me donnez les clefs, vous ne les aurez plus.

— Ah ! mon ami, que tu es bête !

— Mais, pas trop, ce me semble.

— Et pourquoi n’entrerions-nous pas tous les deux ensemble ? Vous iriez trouver Agathe ; moi je resterais dans la garde-robe jusqu’à ce que vous fissiez un signal dont nous conviendrions.

— Ma foi, cela est si plaisant, si fou, que peu s’en faut que je n’y consente. Mais, chevalier, tout bien considéré, j’aimerais mieux réserver cette facétie pour quelqu’une des nuits suivantes.

— Ah ! j’entends, votre projet est de nous venger plus d’une fois.

— Si vous l’agréez ?

— Tout à fait. »

Jacques.

Votre chevalier bouleverse toutes mes idées. J’imaginais…

Le maître.

Tu imaginais ?

Jacques.

Non, monsieur, vous pouvez continuer.

Le maître.

Nous bûmes, nous dîmes cent folies, et sur la nuit qui s’approchait, et sur les suivantes, et sur celle où Agathe se trouverait entre le chevalier et moi. Le chevalier était redevenu d’une gaieté charmante, et le texte de notre conversation n’était pas triste. Il me prescrivait des préceptes de conduite nocturne qui n’étaient pas tous également faciles à suivre ; mais après une longue suite de nuits bien employées, je pouvais soutenir l’honneur du chevalier à ma première, quelque merveilleux qu’il se