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Le chevalier.

Il est vrai. Allons, mon cher Le Brun, il s’agit de me servir, il s’agit d’obliger un galant homme qui est dans la presse ; vous ne me refuserez pas ; vous viendrez.

Le Brun.

Aller chez un Merval ! moi ! moi !

Le chevalier.

Oui, vous, vous viendrez pour moi… »

À force de sollicitations Le Brun se laisse entraîner, et nous voilà, lui Le Brun, le chevalier, Mathieu de Fourgeot, en chemin, le chevalier frappant amicalement dans la main de Le Brun et me disant : « C’est le meilleur homme, l’homme du monde le plus officieux, la meilleure connaissance…

Le Brun.

Je crois que M. le chevalier me ferait faire de la fausse monnaie. »

Nous voilà chez Merval.

Jacques.

Mathieu de Fourgeot…

Le maître.

Eh bien ! qu’en veux-tu dire ?

Jacques.

Mathieu de Fourgeot… Je veux dire que M. le chevalier de Saint-Ouin connaît ces gens-là par nom et surnom : et que c’est un gueux, d’intelligence avec toute cette canaille-là.

Le maître.

Tu pourrais bien avoir raison… Il est impossible de connaître un homme plus doux, plus civil, plus honnête, plus poli, plus humain, plus compatissant, plus désintéressé que M. de Merval. Mon âge de majorité et ma solvabilité bien constatée, M. de Merval prit un air tout à fait affectueux et triste et nous dit avec le ton de la componction qu’il était au désespoir ; qu’il avait été dans cette même matinée obligé de secourir un de ses amis pressé des besoins les plus urgents et qu’il était tout à fait à sec. Puis s’adressant à moi, il ajouta : « Monsieur, n’ayez point de regret de ne pas être venu plus tôt ; j’aurais été affligé de vous refuser, mais je l’aurais fait : l’amitié passe avant tout… »