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de tout le corps, et prêt à se jeter du haut du fenil en bas, au hasard de se tuer, je ne saurais m’empêcher d’en rire.

Le maître.

Et ce petit homme, qui est-il ? Le mari de la dame Suzon ?

Jacques.

Non.

Le maître.

Le mari de la dame Marguerite ?

Jacques.

Non… Toujours le même : il en a, pour tant qu’il vivra.

Le maître.

Qui est-il donc ?

Jacques ne répondit point à cette question, et le maître ajouta :

Dis-moi seulement qui était le petit homme.

Jacques.

Un jour un enfant, assis au pied du comptoir d’une lingère, criait de toute sa force. La marchande importunée de ses cris, lui dit : « Mon ami, pourquoi criez-vous ?

— C’est qu’ils veulent me faire dire A.

— Et pourquoi ne voulez-vous pas dire A ?

— C’est que je n’aurai pas si tôt dit A, qu’ils voudront me faire dire B… »

C’est que je ne vous aurai pas si tôt dit le nom du petit homme, qu’il faudra que je vous dise le reste.

Le maître.

Peut-être.

Jacques.

Cela est sûr.

Le maître.

Allons, mon ami Jacques, nomme-moi le petit homme. Tu t’en meurs d’envie, n’est-ce pas ? Satisfais-toi.

Jacques.

C’était une espèce de nain, bossu, crochu, bègue, borgne, jaloux, paillard, amoureux et peut-être aimé de Suzon. C’était le vicaire du village.

Jacques ressemblait à l’enfant de la lingère comme deux gouttes d’eau, avec cette différence que, depuis son mal de