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Le maître, à l’hôtesse.

L’avez-vous entendu ?

L’hôtesse.

Il a tort ; mais la paix, la paix ; parlez l’un ou l’autre, et que je sache ce dont il s’agit.

Le maître, à Jacques.

Parle, maroufle.

Jacques, à son maître.

Parlez vous-même.

L’hôtesse, à Jacques.

Allons, monsieur Jacques, parlez, votre maître vous l’ordonne ; après tout, un maître est un maître…

Jacques expliqua la chose à l’hôtesse. L’hôtesse, après avoir entendu, leur dit : Messieurs, voulez-vous m’accepter pour arbitre ?

Jacques et son maître, tous les deux à la fois.

Très volontiers, très volontiers, notre hôtesse.

L’hôtesse.

Et vous vous engagez d’honneur à exécuter ma sentence ?

Jacques et son maître.

D’honneur, d’honneur…

Alors l’hôtesse s’asseyant sur la table, et prenant le ton et le maintien d’un grave magistrat, dit :

« Ouï la déclaration de M. Jacques, et d’après des faits tendant à prouver que son maître est un bon, un très bon, un trop bon maître ; et que Jacques n’est point un mauvais serviteur, quoiqu’un peu sujet à confondre la possession absolue et inamovible avec la concession passagère et gratuite, j’annule l’égalité qui s’est établie entre eux par laps de temps, et la recrée sur-le-champ. Jacques descendra, et quand il aura descendu, il remontera : il rentrera dans toutes les prérogatives dont il a joui jusqu’à ce jour. Son maître lui tendra la main, et lui dira d’amitié : « Bonjour, Jacques, je suis bien aise de vous revoir… » Jacques lui répondra : « Et moi, monsieur, je suis enchanté de vous retrouver… » Et je défends qu’il soit question entre eux de cette affaire et que la prérogative de maître et de serviteur soit agitée à l’avenir. Voulons que l’un ordonne et que l’autre obéisse,