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Madame de La Pommeraye.

Point du tout. Je suppose, par exemple, que monsieur le marquis des Arcis fût touché de compassion pour elles ; que ne fait-il passer ces secours par des mains plus dignes ?

Le marquis.

Et moins sûres.

Madame de La Pommeraye.

Cela se peut.

Le marquis.

Dites-moi, si je leur envoyais une vingtaine de louis, croyez-vous qu’elles les refuseraient ?

Madame de La Pommeraye.

J’en suis sûre ; et ce refus vous semblerait déplacé dans une mère qui a un enfant charmant ?

Le marquis.

Savez-vous que j’ai été tenté de les aller voir ?

Madame de La Pommeraye.

Je le crois. Marquis, marquis, prenez garde à vous ; voilà un mouvement de compassion bien subit et bien suspect.

Le marquis.

Quoi qu’il en soit, m’auraient-elles reçu ?

Madame de La Pommeraye.

Non certes ! Avec l’éclat de votre voiture, de vos habits, de vos gens et les charmes de la jeune personne, il n’en fallait pas davantage pour apprêter au caquet des voisins, des voisines et les perdre.

Le marquis.

Vous me chagrinez ; car, certes, ce n’était pas mon dessein. Il faut donc renoncer à les secourir et à les voir ?

Madame de La Pommeraye.

Je le crois.

Le marquis.

Mais si je leur faisais passer mes secours par votre moyen ?

Madame de La Pommeraye.

Je ne crois pas ces secours-là assez purs pour m’en charger.

Le marquis.

Voilà qui est cruel !