et qui ai toujours de bon esprit de le trouver aussi maussade qu’il l’est !
— Un des inconvénients de l’infortune, c’est la méfiance qu’elle inspire : les indigents craignent d’être importuns.
— Vous, importunes pour moi ! ce soupçon est une bonne injure.
— Madame, j’en suis tout à fait innocente, je vous ai rappelée dix fois à maman, mais elle me disait : Mme de La Pommeraye… personne, ma fille, ne pense plus à nous.
— Quelle injustice ! Asseyons-nous, nous causerons. Voilà M. le marquis des Arcis ; c’est mon ami ; et sa présence ne nous gênera pas. Comme mademoiselle est grandie ! comme elle est embellie depuis que nous ne nous sommes vues !
— Notre position a cela d’avantageux qu’elle nous prive de tout ce qui nuit à la santé : voyez son visage, voyez ses bras ; voilà ce qu’on doit à la vie frugale et réglée, au sommeil, au travail, à la bonne conscience ; et c’est quelque chose… »
On s’assit, on s’entretint d’amitié. La d’Aisnon mère parla bien, la d’Aisnon fille parla peu. Le ton de la dévotion fut celui de l’une et de l’autre, mais avec aisance et sans pruderie. Longtemps avant la chute du jour nos deux dévotes se levèrent. On leur représenta qu’il était encore de bonne heure ; la d’Aisnon mère dit assez haut, à l’oreille de Mme de La Pommeraye, qu’elles avaient encore un exercice de piété à remplir, et qu’il leur était impossible de rester plus longtemps. Elles étaient déjà à quelque distance, lorsque Mme de La Pommeraye se reprocha de ne leur avoir pas demandé leur demeure, et de ne leur avoir pas appris la sienne : « C’est une faute, ajouta-t-elle, que je n’aurais pas commise autrefois. » Le marquis courut pour la réparer ; elles acceptèrent l’adresse de Mme de La Pommeraye, mais, quelles que furent les instances du marquis, il ne put obtenir la leur. Il n’osa pas leur offrir sa voiture, en avouant à Mme de La Pommeraye qu’il en avait été tenté.
Le marquis ne manqua pas de demander à Mme de La Pommeraye ce que c’étaient que ces deux femmes.
« Ce sont deux créatures plus heureuses que nous. Voyez la belle santé dont elles jouissent ! la sérénité qui règne sur leur visage ! l’innocence, la décence qui dictent leurs propos ! On ne voit point cela, on n’entend point cela dans nos cercles. Nous