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L’hôte.

Tu n’en as point ? Je saurai bien en faire avec ta charrue, tes chevaux, tes bœufs et ton lit. Comment, gredin !…

Le compère.

Je ne suis point un gredin.

L’hôte.

Et qui es-tu donc ? Tu es dans la misère, tu ne sais où prendre de quoi ensemencer tes champs ; ton propriétaire, las de te faire des avances, ne te veut plus rien donner. Tu viens à moi ; cette femme intercède ; cette maudite bavarde, qui est la cause de toutes les sottises de ma vie, me résout à te prêter ; je te prête ; tu promets de me rendre ; tu me manques dix fois. Oh ! je te promets, moi, que je ne te manquerai pas. Sors d’ici…

Jacques et son maître se préparaient à plaider pour ce pauvre diable ; mais l’hôtesse, en posant le doigt sur sa bouche, leur fit signe de se taire.

L’hôte.

Sors d’ici.

Le compère.

Compère, tout ce que vous dites est vrai ; il l’est aussi que les huissiers sont chez moi, et que dans un moment nous serons réduits à la besace, ma fille, mon garçon et moi.

L’hôte.

C’est le sort que tu mérites. Qu’es-tu venu faire ici ce matin ? Je quitte le remplissage de mon vin, je remonte de ma cave et je ne te trouve point. Sors d’ici, te dis-je.

Le compère.

Compère, j’étais venu ; j’ai craint la réception que vous me faites ; je m’en suis retourné ; et je m’en vais.

L’hôte.

Tu feras bien.

Le compère.

Voilà donc ma pauvre Marguerite, qui est si sage et si jolie, qui s’en ira en condition à Paris !

L’hôte.

En condition à Paris ! Tu en veux donc faire une malheureuse ?