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crochetée, l’exempt et le commissaire montent à petit bruit. On frappe à la chambre de la pâtissière : point de réponse ; on frappe encore : point de réponse ; à la troisième fois on demande du dedans : « Qui est-ce ?

« — Ouvrez.

« — Qui est-ce ?

« — Ouvrez, c’est de la part du roi.

« — Bon ! disait l’intendant à la pâtissière avec laquelle il était couché ; il n’y a point de danger : c’est l’exempt qui vient pour exécuter son ordre. Ouvrez : je me nommerai ; il se retirera, et tout sera fini. »

« La pâtissière, en chemise, ouvre et se remet dans son lit.

L’exempt.

« Où est votre mari ?

La pâtissière.

« Il n’y est pas.

L’exempt, écartant le rideau.

« Qui est-ce qui est donc là ?

L’intendant.

« C’est moi ; je suis l’intendant de M. de Saint-Florentin.

L’exempt.

« Vous mentez, vous êtes le pâtissier, car le pâtissier est celui qui couche avec la pâtissière. Levez-vous, habillez-vous, et suivez-moi. »

« Il fallut obéir ; on le conduisit ici. Le ministre, instruit de la scélératesse de son intendant, a approuvé la conduite de l’exempt, qui doit venir ce soir à la chute du jour le prendre dans cette prison pour le transférer à Bicêtre, où, grâce à l’économie des administrateurs, il mangera son quarteron de mauvais pain, son once de vache, et raclera de sa basse du matin au soir… » Si j’allais aussi mettre ma tête sur un oreiller, en attendant le réveil de Jacques et de son maître ; qu’en pensez-vous ?


Le lendemain Jacques se leva de grand matin, mit la tête à la fenêtre pour voir quel temps il faisait, vit qu’il faisait un temps détestable, se recoucha, et nous laissa dormir, son maître et moi, tant qu’il nous plut.


Jacques, son maître et les autres voyageurs qui s’étaient arrêtés au même gîte, crurent que le ciel s’éclaircirait sur le midi ; il