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Jacques.

Oui, monsieur, assommé, assommé sur le grand chemin, la nuit ; en revenant du village, comme je vous le disais, après avoir fait, selon moi, la sottise ; selon vous, la belle œuvre de donner mon argent.

Le maître.

Je me rappelle… À boire… Et l’origine de la querelle que tu apaisais là-bas, et du mauvais traitement fait à la fille ou à la servante de l’hôtesse ?

Jacques.

Ma foi, je l’ignore.

Le maître.

Tu ignores le fond d’une affaire, et tu t’en mêles ! Jacques, cela n’est ni selon la prudence, ni selon la justice, ni selon les principes… À boire…

Jacques.

Je ne sais ce que c’est que des principes, selon des règles qu’on prescrit aux autres pour soi. Je pense d’une façon, et je ne saurais m’empêcher de faire d’une autre. Tous les sermons ressemblent aux préambules des édits du roi ; tous les prédicateurs voudraient qu’on pratiquât leurs leçons, parce que nous nous en trouverions mieux peut-être ; mais eux à coup sûr… La vertu…

Le maître.

La vertu, Jacques, c’est une bonne chose ; les méchants et les bons en disent du bien… À boire…

Jacques.

Car ils y trouvent les uns et les autres leur compte.

Le maître.

Et comment fut-ce un si grand bonheur pour toi d’être assommé ?

Jacques.

Il est tard, vous avez bien soupé et moi aussi ; nous sommes fatigués tous les deux ; croyez-moi, couchons-nous.

Le maître.

Cela ne se peut, et l’hôtesse nous doit encore quelque chose. En attendant, reprends l’histoire de tes amours.