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pas encore tout à fait détrompé. À cette date, et pour essayer de parer le coup auquel ils s’attendaient, MM. de Saur et de Saint-Geniès se mirent à faire une nouvelle traduction, à leur façon accoutumée, « très-libre et très-paraphrastique, » comme dit Goethe, des notes dont celui-ci avait enrichi son travail. Ils les publièrent sous ce titre : Des hommes célèbres de la France au XVIIIe siècle et de la littérature et des arts à la même époque[1], par M. Goethe ; traduit de l’allemand par MM. de de Saur et de Saint-Geniès, et suivi de notes des traducteurs destinées à développer et à compléter, sur plusieurs points, les idées de l’auteur. Paris, chez Ant.-Aug. Renouard, 1823. C’est dans cet ouvrage que se trouve l’extrait du Tableau de Paris de Mercier, relatif au personnage qui avait servi de modèle à Diderot. Mais il s’y trouve encore ceci :

« Un hasard heureux nous a mis à portée de remplir le vœu que forme ici {{M.|Goethe[2]. Nous avons publié à Paris, en 1821, chez Delaunay, l’ouvrage de Diderot jusqu’alors inédit, intitulé : le Neveu de Rameau. Tous les lecteurs ont reconnu dans ce tableau original le faire du grand peintre auquel nous en sommes redevables. On sera peut-être bien aise de voir ici l’analyse que lui ont consacrée les littérateurs les plus distingués de l’époque actuelle, ceux qui, par leur sagacité, leur esprit et leurs connaissances en littérature, étaient les plus capables d’apprécier cet écrit. »

Et ces analyses sont celles des gens trompés, celle du Miroir du 5 février 1822, par exemple :

Le Neveu de Rameau, dialogue, etc.

L’ouvrage dont on vient de lire le titre est-il réellement de Diderot ? Telle est la question que chacun s’est faite au moment où il a paru, et qui sera résolue affirmativement par tous ceux qui en étudieront attentivement le style et l’esprit. Diderot est peut-être, de tous les écrivains penseurs du XVIIIe siècle, celui dont il serait le plus difficile à un imitateur, même habile, de contrefaire le génie, ou si l’on veut, le talent. Original parfois jusqu’au sublime, souvent jusqu’à la bizarrerie, indépendant de toute espèce de préjugé, il a, plus que tout autre, une physionomie qui lui est propre, soit qu’on le considère comme philosophe, soit qu’on l’envisage seulement comme écrivain.

Le Neveu de Rameau réunit dans le style et dans l’ensemble des idées morales qui ont présidé à la composition de cet ouvrage, tous les défauts et toutes les qualités qu’on remarque dans les autres écrits de Diderot ; il offre surtout des traits qui rappellent la philosophie tout à la fois cynique et sensée dont Jacques le Fataliste est empreint.

  1. M. Brière a eu le tort de prendre ce titre au sérieux et de croire que le livre était une traduction fidèle de l’écrit de Goethe ; c’est ce qui l’excuse d’avoir demandé à M. Renouard l’autorisation de publier en tête du Neveu de Rameau le prétendu chapitre de Goethe à ce sujet, chapitre dans lequel M. de Saur a pris bien plus de libertés encore que dans sa traduction du dialogue.
  2. Goethe}} souhaitait qu’il se trouvât une seconde copie du Neveu de Rameau, afin qu’il pût paraître en français.