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Je me vois, à mon début dans le monde, compromis dans ce que j’ai de plus cher auprès de mes concitoyens, dans mon honneur même, puisque ces messieurs n’ont pas craint de me présenter comme capable d’abuser de la confiance publique.

Je vous envoie aussi, monsieur, un journal dans lequel vous verrez que ces messieurs traitent Diderot avec aussi peu de pudeur que de bonne foi.

Vous recevrez enfin un exemplaire de la traduction de MM. de Saur et de Saint-Geniès, dans lequel j’ai souligné ou indique une faible partie des contre-sens qu’ils ont faits et des additions qu’ils se sont permises. Les numéros inscrits à la marge indiquent les pages correspondantes de mon édition.

Si vous daignez m’honorer d’une réponse, je ne doute pas de voir contester par mes détracteurs l’authenticité de votre signature, mais l’Europe savante la connaît, et l’Institut de France est là pour me venger.

C’est beaucoup vous demander, monsieur, que de solliciter de vous de pareils soins ; mais je suis sûr que quand il dépend de vous d’assurer le triomphe de la vérité et de confondre l’imposture, vous oubliez promptement toutes les peines que vous avez pu prendre.

Je suis, monsieur, avec les sentiments du plus profond respect et de la plus haute considération,

De Votre Excellence,
Le très-humble et très-obéissant serviteur,
Brière,
Libraire-éditeur des Œuvres de Diderot,
rue Saint-André-des-Arts, no 68.
Paris, le 27 juillet 1823.


« Dans cette lettre, M. Brière se plaint des imperfections de la traduction rétrospective, dont il m’envoie un exemplaire avec des notes marginales, en l’accompagnant du véritable original désormais imprimé, mettant ainsi sous mes yeux un exemple vraiment remarquable de la légèreté avec laquelle les Français traitent les choses. Mais ce qui montre d’abord l’importance de la plainte de M. Brière, c’est qu’on déclare à présent, parce que le public a été trompé par une traduction, que le véritable original est une œuvre de charlatan. Personne ne pense aux preuves intimes, on en exige d’extérieures ; on veut que le manuscrit autographe soit montré ; une dame respectable et l’éditeur sont traités de fourbes. M. Brière s’adresse donc à moi, comme au seul homme qui, sur ce point, puisse faire justice ; car, pour ce qui concerne le manuscrit autographe, il est encore incertain s’il fut envoyé au duc de Gotha ou au prince Henri de Prusse.

« À cet égard, je crois pouvoir dire qu’il est impossible que le manuscrit soit venu à Gotha, n’en ayant jamais entendu parler dans les relations particulièrement littéraires et intimes que j’avais alors dans cette ville. Si je puis hasarder une conjecture, c’est que l’autographe fut envoyé à Pétersbourg, à S. M. l’impératrice Catherine : la copie d’après laquelle je fis ma traduction me parut en provenir ; cette filiation a pour moi la plus grande vraisemblance.