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— Il sait sa langue ?

— À merveille.

— Il pense ?

— J’en conviens.

— Il sent ?

— Assurément.

— Il possède le technique du vers ?

— Comme peu d’hommes.

— Il a de l’oreille ?

— Mais oui.

— Il est harmonieux ?

— Toujours.

— Que lui manque-t-il donc pour être un poëte ?

— Ce qui lui manque ? c’est une âme qui se tourmente, un esprit violent, une imagination forte et bouillante, une lyre qui ait plus de cordes ; la sienne n’en a pas assez. J’en appelle à ce maussade sermon que le pasteur du village adresse aux époux : quand on a un grain d’enthousiasme, n’est-ce pas là qu’on le montre ? Et toute cette noce, elle est d’une langueur à périr. Oh ! combien devers touchants, de pensées douces, de sentiments honnêtes et délicieux, étouffés, perdus ! Oh ! qu’un grand poëte est un homme rare !

Je ne vous dirai rien des notes accolées à ce chant. Les tristes et maussades notes ! C’est bien assez de l’ennui de les avoir lues, sans avoir encore celui de vous en parler[1].


CHANT III.


L’AUTOMNE.


Mon dessein était de relire les deux premiers chants, et d’en remarquer les épithètes oisives ou mal choisies, les endroits

  1. Ces deux derniers alinéas sont dans la Correspondance, en note et avec quelques différences, et ils y sont attribués à Grimm par M. Taschereau. Ils sont pourtant bien signés Diderot. Ils sont précédés de cette explication : « Ce secret (celui des laissés), sans lequel il est impossible d’être grand peintre, grand poëte, grand écrivain, personne ne l’a connu comme M. de Voltaire, mais les écrivains médiocres ne savent pas sacrifier une bonne idée parce qu’elle empêche l’effet d’une meilleure. »