Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SUR
LES LETTRES D’UN FERMIER
DE PENSYLVANIE
AUX HABITANTS DE L’AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE[1].


1769




C’est une grande querelle que celle de l’Angleterre avec ses colonies. Savez-vous, mon ami, par où nature veut qu’elle finisse ? Par une rupture. On s’ennuie de payer, aussitôt qu’on est le plus fort. La population de l’Angleterre est limitée ; celle des colonies ne l’est pas. Avant un siècle, il est démontré qu’il y aura plus d’hommes à l’Amérique septentrionale, qu’il n’y en a dans l’Europe entière. Alors un des bords de la mer dira à l’autre bord : Des subsides ? Je ne vous en dois pas plus que vous ne m’en devez. Faites vos affaires, et laissez-moi faire les miennes. Me pourvoir des choses dont j’ai besoin chez vous, et chez vous seul ? Et pourquoi, si je le puis avoir plus commodément et à meilleur prix ailleurs ? Vous envoyer les peaux de mes castors, pour que vous m’en fassiez des chapeaux ? Mais vous voyez bien que cela est ridicule, si j’en puis faire moi-même. Ne me demandez donc pas cela. C’est ainsi que ce traité de la mère patrie avec ses enfants, fondé sur la supériorité actuelle de la mère patrie, sera méprisé par les enfants quand ceux-ci seront assez grands.

Voici une exposition abrégée des démêlés présents de l’An-

  1. L’auteur anglais de cet ouvrage est Dickinson, et le traducteur est Barbeu du Bourg, qui a donné sa traduction en 1769, in-8o. L’ouvrage anglais et la traduction sont anonymes ; mais cependant le nom des auteurs n’a jamais été un secret. (Br.) — L’article de Diderot, destiné sans doute à la Correspondance de Grimm, n’y a pas été inséré. C’est Naigeon qui l’a publié pour la première fois, en 1798.