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en est piqué ; c’est ou le foie, ou les intestins, ou l’estomac, ou le cœur, ou les poumons, ou la tête, ou les nerfs, ou le sang, ou les chairs, ou la lymphe ; je ne sais qui le premier s’en est aperçu. Une autre observation très-utile, c’est que l’eau de Luce, ou plus généralement l’alcali volatil pris dans de l’eau, arrête l’effet de la morsure de ces animaux ; c’est au hasard et à M. Bernard de Jussieu qu’on doit cette découverte. Une idée qui me vient sur les serpents venimeux, et qui est peut-être plus générale, c’est que, mous, faibles, lents, armés de dents minces, petites et mobiles, ils ne pourraient pas subsister sans leur venin, c’est leur arme naturelle. Ils s’approchent en rampant, ils s’élancent, leur dent aiguë perce, leur gencive verse son poison dans la blessure ; l’animal piqué ne se défend pas, il meurt à peu de distance, et le serpent va doucement se saisir de sa proie. Si cela est comme je le conjecture, la comparaison de ces animaux-là avec nos folliculaires en sera bien plus exacte, et j’espère que les auteurs qui en sont mordus m’en remercieront.

Parallèle de Virgile et de Lucain, cinquième pièce, par M. Castilhon. À juger de ce M. Castilhon par l’indignation profonde dont il est pénétré, et le ton véhément dont il l’exhale contre ceux qui osent comparer Lucain à Virgile, il faut que ce soit un homme de goût, car le goût est aussi intolérant que la superstition. J’aime Marmontel ; mais je pense avec M. Castilhon qu’il n’y a qu’un sourd, un barbare, un sauvage, un Goth, un Vandale, qui puisse balancer entre ces deux poètes ; entre une urne remplie d’un breuvage délicieux et une autre pleine de vent. Castilhon arrache Lucain de la main des enfants, et il a raison. Il lui accorde de l’art, de la versification, et il a tort. Il a des pensées, il a de la fougue, et puis c’est tout. Il faut donner une paire d’éperons à Virgile et une bride à Lucain.

La sixième pièce est encore de M. Castilhon et traite de la philosophie et de la morale de Plutarque. C’est un bel éloge de Plutarque, et bien juste. Cicéron est lâche et bavard ; Sénèque dur, sec, faux, pointu, apprêté et de mauvais goût. Plutarque, quand il ne radote pas, est nerveux, sage et profond ; Cicéron fait un feu de paille qui ne chauffe pas assez ; Sénèque, un feu de tourbe qui éblouit et entête ; mon vieillard ressemble à un brasier immense, tel qu’on l’allume sur les autels des dieux,