Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sateur est celui qui affirme qu’un tel a commis telle action. L’auteur a reconnu lui-même que la règle du juste et de l’injuste est pour le juge une simple question de fait. Il a dit aussi que les décrets sont toujours opposés à la liberté politique, lorsqu’ils ne sont pas une application particulière d’une maxime générale. Il y a donc trois choses à distinguer ici : la maxime que le souverain établit, le fait particulier que l’accusateur affirme, et l’application que fait le juge de cette maxime à ce fait, après l’avoir bien constaté. Le souverain n’est donc pas la partie de l’accusé ; et ce n’est pas pour cette raison, qu’il n’en doit pas être le juge.


« En général, l’infamie, comme tout ce qui dépend des opinions populaires, s’attache plus à la forme qu’au fond. » Chap. vi.

L’appareil et la forme de l’emprisonnement y font beaucoup, sans doute ; mais il y a dans le fond même une différence réelle. La prison militaire, dans l’opinion publique, ne suppose qu’une faute contre la discipline ; la prison civile suppose un délit contre la police ; et celle-ci intéresse plus directement l’ordre et le repos publics. Voilà pourquoi on y attache plus de honte. L’auteur a dit, à propos de la contrebande, qui n’entraîne point l’infamie : Les délits que les hommes ne croient pas pouvoir leur être nuisibles, ne les intéressent pas assez pour exciter l’indignation publique.


« Un témoin (femmes, condamnés, personnes notées d’infamie) peut dire la vérité lorsqu’il n’a aucun intérêt à mentir. » Chap. viii.

L’auteur a dit (chap. viii) : « La peine d’infamie prive un citoyen de la considération, de la confiance que la société avait pour lui. » Le condamné est au moins dans le même cas que l’homme noté d’infamie : l’un et l’autre ont perdu la confiance publique ; leur témoignage ne doit donc être reçu que comme indice, et non comme preuve. « Des témoins doivent être crus lorsqu’ils n’ont aucun intérêt à mentir. » Mais qui peut jamais s’assurer que les méchants et les infâmes n’ont aucune animosité, aucune haine personnelle, aucun motif caché d’en imposer aux juges ? Si de pareils témoins doivent être crus, qui osera se reposer sur son innocence ? Ils ont perdu la confiance publique,