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QU’EN PENSEZ-VOUS ?


CONTE




Ce conte philosophique nous paraît être de la même époque que les Bijoux indiscrets, l’Oiseau blanc et la Promenade du sceptique. L’allégorie est un procédé à l’usage surtout des philosophes encore timides. Mais ce conte est-il bien de Diderot ? Nous avons déjà (tome II, page 524, note) dit que Rousseau l’avait un jour, en 1751, récité dans la société de Mme d’Épinay, comme une improvisation de son cru, et que l’éditeur de 1865 des Mémoires de cette dame, M. Paul Boiteau, avait été frappé de la dissemblance que présentait cette improvisation avec la manière habituelle de Rousseau. La différence est en effet sensible ; mais ce qui l’est plus encore, c’est le désaccord qui existe, dans la conversation rapportée, entre la suite du conte et le conte lui-même. La conclusion de la conversation est, en effet, de la part de Rousseau, une profession de foi religieuse très-explicite, et dans laquelle il insiste sur la nécessité de croire aux peines et aux récompenses dans l’autre monde, croyance qui est « une inconséquence, si l’on veut, mais une inconséquence nécessaire à notre bonheur. » C’est même cette chute inattendue qui nous a fait soupçonner une confusion dans les souvenirs de Mme d’Épinay. Si peu sûr de lui-même que fût Rousseau, il n’aurait pas été assez troublé pour se contredire ainsi à dix minutes de distance, et il ne l’aurait pas été non plus assez pour donner comme de lui et comme une improvisation, lui qui ne sut jamais improviser, un conte qu’il tenait, sans aucun doute, de son ami. Il faut donc, pour faire preuve de bon vouloir ou plutôt de parfaite impartialité, supposer que Mme d’Épinay, en retrouvant dans ses papiers le conte écrit sur sa demande par Rousseau, ne s’est pas rappelé toutes les circonstances de la scène. Il est probable que Rousseau aura dit avant de commencer : « Voici l’opinion de mon ami Diderot, » et après avoir fini : « Maintenant, voici la mienne : mon ami ne croit pas à la persistance du courroux de