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Après le concert, il y eut un feu d’artifice qui fut suivi d’un repas somptueux : le prince fut toujours placé à côté de Polychresta ; il eut de la politesse, mais il ne sentit rien. La fée lui demanda le lendemain ce qu’il pensait de son amie. Génistan répondit qu’il la trouvait digne de toute son estime, et qu’il avait conçu pour elle un très-profond res­pect. « J’aimerais mieux, reprit Vérité, un autre sentiment. Cependant il est bien doux de faire le bonheur d’une femme vertueuse et douée d’excellentes qualités.

— Ah ! madame, reprit le prince, si vous aviez vu Lively ! qu’elle est aimable !

— Je vois, dit Vérité, que vous n’avez que cette petite folle en tête, qui n’est point du tout ce qu’il vous faut. »

la sultane.

Dans une maison, grande ou petite, il faut que l’un des deux au moins ait le sens commun.

la seconde femme.

Le prince voulut répliquer, et justifier son éloignement pour Polychresta ; mais la fée, prenant un ton d’autorité, lui ordonna de lui rendre des soins, et lui répéta qu’il l’aimerait s’il voulait s’en donner le temps. D’un autre côté elle suggéra à son amie de prendre quelque chose sur elle, et de ne rien épargner pour plaire au prince. Polychresta essaya, mais inutilement : un trop grand obstacle s’opposait à ses désirs ; elle comptait trente-deux ans, et Génistan n’en avait que vingt-cinq : aussi disait-il que les vieilles femmes étaient toutes ennuyeuses : quoique la fée fût très-antique, ce propos ne l’offensait pas.

la sultane.

Elle possédait seule le secret de paraître jeune.

la seconde femme.

Le prince obéit aux ordres de la fée ; c’était toujours le parti qu’il prenait, pour peu qu’il eût le temps de la réflexion. Il vit Polychresta ; il se plut même chez elle.

la sultane.

Toutes les fois qu’il avait fait des pertes au jeu, ou qu’il boudait quelqu’une de ses maîtresses.