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ce fut inutilement. Je me retirai après des efforts inouïs ; car s’il n’y a pas de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre… »

la sultane.

Il n’y a pas de pires endormies que celles qui ne veulent pas s’éveiller, ni de pires éveillées que celles qui ne veulent pas s’endormir.

le second émir.

« Cela est surprenant, dit le sultan ; car on a tant de raisons pour veiller en pareil cas !

— Lirila, dit le prince, s’embarrassait bien de ces raisons ! J’interprétai son sommeil comme un consentement de préparer son voyage. On se constitua dans des dépenses dont elle ne daigna pas seulement s’informer ; et nous ne sûmes qu’elle restait qu’au moment de partir, lorsqu’on eut mis les chevaux à cette admirable voiture que vous nous envoyâtes. Alors, Lirila, ne sachant pas bien positivement ce qu’il lui fallait, me tint à peu près ce discours :

« Prince, je crois que vous pouvez aller seul, et que je reste.

« — Et pourquoi donc, madame ? lui demandai-je.

« — Pourquoi ? Mais c’est qu’il me semble que je ne veux ni de vous, ni de votre père.

« — Mais, madame, d’où nait votre répugnance ? Il me semble, à moi, que vous pourriez vous trouver mal d’un autre. 

« — Tant pis pour lui ; je me trouve bien ici.

« — Restez-y donc, madame… »

« Et je partis sans prendre mon audience de congé de l’empereur, qui s’en formalisa beaucoup, comme vous savez. Je revins ici vous rendre compte de mon ambassade, vous courroucer de ce que je ne vous avais pas amené une sotte épouse, et obtenir l’exil pour la récompense de mes services.

— Mon fils, mon fils, dit sérieusement Zambador au prince, vous ne me révélâtes pas tout alors, et vous fîtes sagement.


La sultane dit à sa chatouilleuse :

« Assez. »

Les émirs et ses femmes lui proposèrent obligeamment de continuer, si cela lui convenait.

« Vous mériteriez bien, leur dit-elle, que je vous prisse au