Elle sonna ; une de ses femmes parut ; et elle envoya chercher Frénicol[1].
« Pourquoi pas Éolipile ? dit Sophie.
— Frénicol marque moins, » répondit Zélide.
Le bijoutier ne se fit pas attendre.
« Ah ! Frénicol, vous voilà, lui dit Zélide ; soyez le bienvenu. Dépêchez-vous, mon cher, de tirer deux femmes d’un embarras cruel…
— De quoi s’agit-il, mesdames ?… Vous faudrait-il quelques rares bijoux ?…
— Non ; mais nous en avons deux, et nous voudrions bien…
— Vous en défaire, n’est-ce pas ? Eh bien ! mesdames, il faut les voir. Je les prendrai, ou nous ferons un échange…
— Vous n’y êtes pas, monsieur Frénicol ; nous n’avons rien à troquer…
— Ah ! je vous entends ; c’est quelques boucles d’oreilles que vous auriez envie de perdre, de manière que vos époux les retrouvassent chez moi…
— Point du tout. Mais, Sophie, dites-lui donc de quoi il est question !
— Frénicol, continua Sophie, nous avons besoin de deux… Quoi ! vous n’entendez pas ?…
— Non, madame ; comment voulez-vous que j’entende ? Vous ne me dites rien…
— C’est, répondit Sophie, que, quand une femme a de la pudeur, elle souffre à s’exprimer sur certaines choses…
— Mais, reprit Frénicol, encore faut-il qu’elle s’explique. Je suis bijoutier et non pas devin.
— Il faut pourtant que vous me deviniez…
— Ma foi, mesdames, plus je vous envisage et moins je vous comprends. Quand on est jeunes, riches et jolies comme vous, on n’en est pas réduites à l’artifice : d’ailleurs, je vous dirai sincèrement que je n’en vends plus. J’ai laissé le commerce de ces babioles à ceux de mes confrères qui commencent. »
Nos dévotes trouvèrent l’erreur du bijoutier si ridicule, qu’elles lui firent toutes deux en même temps un éclat de rire qui le déconcerta.
- ↑ Le bijoutier La Frenaye.