déshonorée ; eh bien ! déshonorée pour déshonorée, je m’épargnerai du moins de l’inquiétude le plus que je pourrai.
— Déshonorée ! reprit Zélide, fondant en larmes ; déshonorée ! Quel coup ! Je n’y puis résister… Ah, maudit bonze ! c’est toi qui m’as perdue. J’aimais mon époux ; j’étais née vertueuse ; je l’aimerais encore, si tu n’avais abusé de ton ministère et de ma confiance, Déshonorée ! chère Sophie… »
Elle ne put achever. Les sanglots lui coupèrent la parole ; et elle tomba sur un canapé, presque désespérée. Zélide ne reprit l’usage de la voix que pour s’écrier douloureusement : « Ah ! ma chère Sophie, j’en mourrai… Il faut que j’en meure. Non, je ne survivrai jamais à ma réputation…
— Mais, Zélide, ma chère Zélide, ne vous pressez pourtant pas de mourir ; peut-être que… lui dit Sophie.
— Il n’y a peut-être qui tienne ; il faut que j’en meure…
— Mais peut-être qu’on pourrait…
— On ne pourra rien, vous dis-je… Mais parlez, ma chère, que pourrait-on ?
— Peut-être qu’on pourrait empêcher un bijou de parler.
— Ah ! Sophie, vous cherchez à me soulager par de fausses espérances ; vous me trompez.
— Non, non, je ne vous trompe point ; écoutez-moi seulement, au lieu de vous désespérer comme une folle. J’ai entendu parler de Frénicol, d’Éolipile, de bâillons et de muselières.
— Eh, qu’ont de commun Frénicol, Éolipile et les muselières, avec le danger qui nous menace ? Qu’a à faire ici mon bijoutier ? et qu’est-ce qu’une muselière ?
— Le voici, ma chère. Une muselière est une machine imaginée par Frénicol, approuvée par l’académie et perfectionnée par Éolipile, qui se faisait toutefois les honneurs de l’invention.
— Eh bien ! cette machine imaginée par Frénicol, approuvée par l’académie et perfectionnée par ce benêt d’Éolipile ?…
— Oh ! vous êtes d’une vivacité qui passe l’imagination. Eh bien ! cette machine s’applique et rend un bijou discret, malgré qu’il en ait…
— Serait-il bien vrai, ma chère ?
— On le dit.
— Il faut savoir cela, reprit Zélide, et sur-le-champ. »