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Un troisième se leva, s’approcha de la planche, traça sa figure et dit : « Soit un bijou A B, etc… »

Ici, l’ignorance des traducteurs nous a frustrés d’une démonstration que l’auteur africain nous avait conservée sans doute. À la suite d’une lacune de deux pages ou environ, on lit : Le raisonnement de Réciproco parut démonstratif ; et l’on convint, sur les essais qu’on avait faits de sa dialectique, qu’il parviendrait un jour à déduire que les femmes doivent parler aujourd’hui par le bijou de ce qu’elles ont entendu de tout temps par l’oreille.

Le docteur Orcotome[1], de la tribu des anatomistes, dit ensuite : « Messieurs, j’estime qu’il serait plus à propos d’abandonner un phénomène, que d’en chercher la cause dans les hypothèses en l’air. Quant à moi, je me serais tu, si je n’avais eu que des conjectures futiles à vous proposer ; mais j’ai examiné, étudié, réfléchi. J’ai vu des bijoux dans le paroxysme ; et je suis parvenu, à l’aide de la connaissance des parties et de l’expérience, à m’assurer que celle que nous appelons en grec le delphus, a toutes les propriétés de la trachée, et qu’il y a des sujets qui peuvent parler aussi bien par le bijou que par la bouche. Oui, messieurs, le delphus est un instrument à corde et à vent, mais beaucoup plus à corde qu’à vent. L’air extérieur qui s’y porte fait proprement l’office d’un archet sur les fibres tendrineuses des ailes que j’appellerai rubans ou cordes vocales. C’est la douce collision de cet air et des cordes vocales qui les oblige à frémir ; et c’est par leurs vibrations plus ou moins promptes qu’elles rendent différents sons. La personne modifie ces sons à discrétion, parle, et pourrait même chanter.

« Comme il n’y a que deux rubans ou cordes vocales, et qu’elles sont sensiblement de la même longueur, on me demandera sans doute comment elles suffisent pour donner la multitude des tons graves et aigus, forts et faibles, dont la voix humaine est capable. Je réponds, en suivant la comparaison de cet organe aux instruments de musique, que leurs allongement et accourcissement suffisent pour produire ces effets.

« Que ces parties soient capables de distension et de contraction, c’est ce qu’il est inutile de démontrer dans une

  1. La Mettrie, dans le Supplément à l’Ouvrage de Pénélope ou Machiavel en médecine (1750), donne le même ton à Ferrein, auteur d’un système sur le mécanisme de la voix.