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lut, disait-il, en payer au moins les couleurs, et Vernet fut obligé de céder[1].
« R. »

Cette édition suisse, que nos prédécesseurs ne paraissent pas avoir connue, présente de nombreuses variantes avec les réimpressions subséquentes ; quelques-unes sont des fautes, quelques autres nous ont semblé préférables à la version adoptée. Nous ne signalerons que les cas dans lesquels il pouvait y avoir hésitation.




Pourquoi ne l’avoir pas gardée ? Elle était faite à moi ; j’étais fait à elle. Elle moulait tous les plis de mon corps sans le gêner ; j’étais pittoresque et beau. L’autre, raide, empesée, me mannequine. Il n’y avait aucun besoin auquel sa complaisance ne se prêtât ; car l’indigence est presque toujours officieuse. Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s’offrait à l’essuyer. L’encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu’elle m’avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l’écrivain, l’homme qui travaille. À présent, j’ai l’air d’un riche fainéant ; on ne sait qui je suis.

Sous son abri, je ne redoutais ni la maladresse d’un valet, ni la mienne, ni les éclats du feu, ni la chute de l’eau. J’étais le maître absolu de ma vieille robe de chambre ; je suis devenu l’esclave de la nouvelle.

Le dragon qui surveillait la toison d’or ne fut pas plus inquiet que moi. Le souci m’enveloppe.

Le vieillard passionné qui s’est livré, pieds et poings liés, aux caprices, à la merci d’une jeune folle[2], dit depuis le matin jusqu’au soir : Où est ma bonne, ma vieille gouvernante ? Quel

  1. On lit dans le Livre de Vérité, de Joseph Vernet, publié par M. Léon Lagrange, ces deux mentions : « Le 10 décembre 1767, j’ay reçu pour un tableau que j’ay fait pour M. Diderot 600 livres. — Dans le mois de novembre 1769 (1768), j’ay reçu de M. Diderot 600 livres pour un tableau que je luy ay fait. » — La première de ces mentions concerne-t-elle un premier tableau payé par Mme Geoffrin pour compléter l’ameublement, et la seconde serait-elle le moyen employé par Diderot pour récompenser Vernet en lui commandant un pendant ? Cela se pourrait. Dans tous les cas, on voit que l’auteur de l’avis (Gessner ? Meister ?) était assez bien informé.
  2. Variante : fille.