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faute par la perte d’un doigt, il ne balancerait pas d’en faire le sacrifice à l’entière suppression de ce délire de son imagination. »

Nous ne doutons pas de ce repentir sincère, mais il est probable qu’avant de les détruire, Diderot aurait voulu relire les Bijoux ; qu’il aurait alors un peu marchandé ; qu’après avoir offert un doigt, il aurait désiré que ce fût le plus petit, et de la main gauche ; qu’il aurait demandé grâce pour les chapitres sérieux ; qu’il aurait, en fin de compte, trouvé qu’il y en avait si peu qui ne l’étaient pas, que cela ne valait pas la peine de se préoccuper des autres outre mesure ; que, d’ailleurs, l’expiation par l’exposition perpétuelle de sa faute était une punition plus réelle que la suppression impossible d’une chose une fois mise sous les yeux du public ; et il aurait fini certainement, après tous ces raisonnements, comme a fini Naigeon, qui, les ayant faits aussi, et ayant affirmé que Diderot aurait banni les Bijoux de toutes les éditions de ses œuvres, les inséra dans la sienne, en les augmentant de trois chapitres inédits et en disant : « J’oserai hasarder un jugement que l’avenir me paraît devoir confirmer : à mesure que les livres purement et simplement licencieux perdront de leur célébrité, celui-ci pourrait bien en acquérir, parce qu’on y trouve la satire des mauvaises mœurs, de la fausse éloquence, des préjugés religieux, avec une connaissance très-étendue des langues, des sciences et des beaux-arts, des pages très-philosophiques et très-sages, des morceaux allégoriques remplis de finesse, avec beaucoup de chaleur et de verve. » M. Rosenkranz (Diderot’s Leben und Werke) signale en effet, parmi ces morceaux, le Rêve de Mangogul (chap. xxxii) comme un chef-d’œuvre.

Dans son Catalogue (manuscrit, Bibliothèque de l’Arsenal), M. de Paulmy dit : « Les Bijoux indiscrets, tirés d’un ancien fabliau intitulé les C. qui parlent[1]. Il s’est ici fort étendu et forme un roman très-libre, mais agréable. On l’attribue à Diderot. La première édition est de 1748. C’est ici la seconde, ornée de figures moins médiocres. L’ouvrage a été traduit en anglais. »

Il est assez difficile de se reconnaître dans ces éditions de la première heure. Dans l’espace de quelques mois, il y en eut six en Hollande. Elles sont sans date, et portent en général l’indication : Au Monomotapa, quoiqu’il y en ait qui portent celle de Pékin. La première était en trois volumes in-12[2]. Celle que nous croyons être la seconde, d’après l’indication de M. de Paulmy, n’en a que deux. Elle a de fort jolies figures, sans signature. Le frontispice allégorique a pour sujet :

  1. Le titre véritable du fabliau est : Le chevalier qui faisait parler les c… et les c… (Voyez Fabliaux et Contes recueillis par Barbazan, édition de Méon, t. III, p. 409.)
  2. Nous n’avons pas vu cette édition en trois volumes et nous doutons. Si nous nous en rapportons à un mot du chapitre xxxv, l’édition originale n’aurait eu que deux volumes.