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sur l’Égypte les trésors de ma fureur. J’ai formé le cœur de l’homme : j’en suis le maître ; je le meus, je le fais agir comme il me plaît ; j’endurcirai celui de Pharaon, pour qu’il ne m’obéisse point. Pharaon endurci et nécessairement rebelle aux ordres de Dieu, mettra par sa désobéissance ma justice à couvert de tout reproche. Allez, ne craignez rien, je serai partout avec vous, et l’on connaîtra que je suis le Seigneur votre Dieu. »

Moïse, de simple berger devenu ministre du Très-Haut qu’il dit avoir vu dans un buisson, la face cachée et ne lui montrant que son derrière, Moïse, dis-je, plein de la fureur de son Dieu, se transporte à la cour de Pharaon, pour y annoncer insolemment les ordres de son Dieu. Pharaon que la volonté toute-puissante d’un Dieu invincible a mis dans la nécessité d’être coupable, rejette Moïse, ses ordres et son Dieu. Moïse éclate, Dieu frappe, et déjà je vois des rivières de sang arroser les campagnes et mettre des peuples entiers dans la nécessité de mourir de soif ou de s’empoisonner.

Des insectes de toutes espèces forment dans l’air un nuage épais que ne peuvent percer les rayons du soleil, et fondent ensuite sur la terre qu’ils dépouillent de toutes ses richesses.

Des grêles affreuses écrasent, enlèvent ce que les insectes avaient épargné. Le ciel est tout en feu ; le tonnerre gronde, la foudre éclate de toutes parts, et des flammes dévorantes achèvent de détruire ce qui subsiste encore.

Troublé, saisi d’horreur, je me sauve, et tout à coup des ténèbres palpables me surprennent, m’environnent, me plongent dans la nuit la plus noire. La lumière paraît enfin. Quel objet frappe ma vue ! Le roi, les grands, les peuples, tout est couvert d’ulcères. Je ne vois partout que des hommes hideux qui se fuient les uns les autres, des millions de malheureux qui ne connaissent le roi que par les impôts qu’on leur fait payer de sa part et qui portent néanmoins la peine de son crime et d’un crime involontaire.

L’orage se dissipe, un autre succède. Une peste générale enlève un chef à chaque famille. Le trône, la ville, la campagne, rien n’est épargné. Les animaux mêmes qui ne pensent point, qui ne sont point coupables, périssent et semblent en expirant accuser le ciel de cruauté ; les plaintes, les cris, la mort, l’horreur règnent de toutes parts.