Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.


PRINCIPES PHILOSOPHIQUES
POUR SERVIR D’INTRODUCTION
À LA CONNAISSANCE DE L’ESPRIT ET DU CŒUR HUMAIN


OUVRAGE PROPRE À FORMER LES JEUNES GENS
QUI ENTRENT DANS LE MONDE[1].


Vol. in-12.




Ce n’est pas moi, c’est l’auteur lui-même qui nous fait l’histoire de son livre. Il a lu ; il a recueilli, des différents ouvrages qui lui sont tombés sous les mains, les meilleurs lambeaux à son gré. Lorsque sa compilation lui a paru suffisamment volumineuse, il a cherché à introduire quelque ordre entre les matières, et il en est résulté le fatras que voici. Il me semble, d’après cet aveu, qu’il n’y a personne au monde qui, sachant lire, ayant de quoi vivre, un peu de goût et beaucoup de temps de reste, n’en puisse faire autant, et augmenter le nombre des livres inutiles. Ce compilateur prétend que les jeunes gens trouveront, dans les sentences qu’il a ramassées de droite et de gauche, un supplément à l’expérience qui leur manque. Il ne sait pas que c’est par une suite nécessaire de ce défaut d’expérience, que les enfants prennent pour du radotage toutes les sages leçons que nous autres pères ne cessons de leur adresser ; et vous verrez qu’une page imprimée fera sur eux ce que notre exemple et nos remontrances ne peuvent faire. J’ai bien peur que nous ne soyons condamnés à ne connaître la sagesse que par le malheur, et que nous ne soyons convaincus de la nécessité de bien vivre qu’au moment où nous sommes sur le point de mourir. Quelle force opposer à l’ignorance et à l’ordre de la nature ? Nous naissons ignorants, et la nature veut que l’enfant

  1. Article publié pour la première fois dans l’édition Belin.