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un magistrat. Il serait houleux qu’il se connût mal en véritable éloquence.

On entre ignorant à l’école, on en sort écolier ; on se fait maître soi-même en portant toute sa capacité naturelle et toute son application sur un objet particulier.

Que doit-on remporter d’une école publique ? De bons éléments.


OBJECTION ET RÉPONSE.

Quoi ! le cours des études d’une université n’est qu’un enseignement progressif de connaissances élémentaires ?

— Assurément.

— Mais c’est le moyen de peupler une société d’hommes superficiels !

— Nullement. C’est les disposer tous à devenir avec le temps des hommes profonds : à moins qu’on ne soit mal né et doué de cette prétention impertinente qui brise le propos de l’homme instruit ; qui se jette à tort et à travers sur toute sorte de matière ; qui dit : Vous parlez géométrie ? C’est que je suis géomètre. Vous parlez de chimie ? C’est que je suis chimiste. Vous parlez de métaphysique ? Et qui est-ce qui est métaphysicien comme moi ? Vice incurable : ne craignez point que celui qui possède les principes fondamentaux se rende ridicule. Il ne parlera point à contre-temps sans s’entendre lui-même et sans être entendu, si les connaissances élémentaires sont bien ordonnées dans sa tête. On n’est ni vain de ses petites lumières, ni décidé dans ses jugements, ni dogmatique, ni sceptique à l’aventure, quand on se doute de tout ce qui resterait à savoir pour affirmer ou nier, pour approuver ou contredire. On sait de l’arithmétique sans se piquer d’être arithméticien, de la géométrie sans s’arroger le titre de géomètre, de la chimie sans interrompre Rouelle ni Darcet[1].


DIVISION COMMUNE À TOUTE SCIENCE ET À TOUT ART.

Dans toute science ainsi que dans tout art il y a trois parties très-distinctes : l’érudition ou l’exposé de ses progrès, son

  1. Diderot suivit assez longtemps les cours de Rouelle, auquel il a consacré une notice nécrologique de quelques lignes. Darcet, connu par l’alliage fusible qui porte son nom, était l’élève et l’ami de Rouelle.