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a sa force particulière, innée, immuable, éternelle, indestructible ; et que ces forces intimes au corps ont leurs actions hors du corps : d’où naît le mouvement ou plutôt la fermentation générale dans l’univers.

Que font les philosophes dont je réfute ici les erreurs et les paralogismes ? Ils s’attachent à une seule et unique force, peut-être commune à toutes les molécules de la matière ; je dis peut-être, car je ne serais point surpris qu’il y eût dans la nature telle molécule qui, jointe à une autre, rendît le mixte résultant plus léger. Tous les jours, dans le laboratoire, on volatilise un corps inerte par un corps inerte : et lorsque ceux qui, ne considérant pour toute action dans l’univers que celle de la gravitation, en ont conclu l’indifférence de la matière au repos ou au mouvement, ou plutôt la tendance de la matière au repos, ils croient avoir résolu la question, tandis qu’ils ne l’ont pas seulement effleurée.

Lorsqu’on regarde le corps comme plus ou moins résistant, et cela non comme pesant ou tendant au centre des graves, on lui reconnaît déjà une force, une action propre et intime ; mais il en a bien d’autres, entre lesquelles les unes s’exercent en tout sens, et d’autres ont des directions particulières.

La supposition d’un être quelconque, placé hors de l’univers matériel, est impossible. Il ne faut jamais faire de pareilles suppositions, parce qu’on n’en peut jamais rien inférer.

Tout ce qu’on dit de l’impossibilité de l’accroissement du mouvement ou de la vitesse, porte à-plomb contre l’hypothèse de la matière homogène. Mais qu’est-ce que cela fait à ceux qui déduisent le mouvement dans la matière, de son hétérogénéité ? La supposition d’une matière homogène est bien sujette à d’autres absurdités.

Si on ne s’obstine pas à considérer les choses dans sa tête, mais dans l’univers, on se convaincra, par la diversité des phénomènes, de la diversité des matières élémentaires ; de la diversité des forces ; de la diversité des actions et des réactions ; de la nécessité du mouvement : et, toutes ces vérités admises, on ne dira plus : je vois la matière comme existante ; je la vois