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l’exil, afin de décerner la mort, non contre une matrone, ce qui serait illégal ; mais bien contre une exilée, ce qui est juste et permis. Toute cette horrible morale se comprend en deux mots : infliger une première peine, juste ou injuste, pour avoir le droit d’en infliger une seconde.


XLVIII.

Je vous recommande un tel, afin qu’il obtienne par votre suffrage le grade qu’il poursuit. C’est ainsi qu’on persuade à un corps qui n’est rien, qu’il est quelque chose. Un maître n’a guère cette condescendance que lorsqu’il est faible et ne se croit pas en état de déployer toute son autorité sans quelque conséquence fâcheuse.


XLIX.

Faire parler le prêtre dans l’occasion où il est à propos de rendre le ciel responsable de l’événement ; ce moyen, assez sûr, suppose toujours un peuple superstitieux ; il vaudrait bien mieux le guérir de sa superstition et ne le pas tromper.


L.

Le glaive et le poignard, gladius et pugio, étaient la marque de la souveraineté à Rome[1]. Le glaive pour l’ennemi, le poignard pour le tyran. Le sceptre moderne ne représente, dans la main de celui qui le porte, que le droit de vie et de mort sans formalité.


LI.

Ne point commander de crime, sans avoir pourvu à la discrétion, c’est-à-dire à la mort de celui qui l’exécute : c’est ainsi qu’un forfait en entraîne un autre. Si les complices des grands

  1. J’ignore où Diderot a trouvé ce fait, que je n’ai lu dans aucun auteur. Suétone parle seulement de deux registres secrets, dont l’un avait pour titre Gladius, et l’autre Pugio. Ces deux espèces de listes ou de tables de proscription, qu’on trouva après la mort violente de Caligula, étaient écrites de sa propre main ; et on y lisait, avec des notes particulières, les noms de tous les personnages distingués de chaque ordre que ce monstre avait dessein de faire mourir avant son départ pour Alexandrie. Voyez Sueton. In Caio, cap. xlix. (N.)