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XVI.

Rester l’ami du pape, quand il est abandonné de tous les cardinaux, c’est un moyen de le servir plus sûrement ; c’est aussi un rôle perfide et vil : il n’est pas permis d’être un traître ; et de simuler l’attachement au pape quand même le pape est un brigand.


XVII.

Placer un mouton auprès du souverain, quand on conspire contre lui. Pour bien sentir, et la méchanceté du rôle des conspirateurs, et la bassesse du rôle de mouton, il ne s’agit que d’expliquer ce que c’est qu’un mouton. On appelle ici un mouton, un valet de prison qu’on enferme avec un malfaiteur, et qui fait à ce malfaiteur l’aveu de crimes qu’il n’a pas commis, pour obtenir de ce dernier l’aveu de ceux qu’il a faits. Les cours sont pleines de moutons ; c’est un rôle qui est fait par des amis, par des connaissances, par des domestiques, et surtout par les maîtresses. Les femmes ne sont jamais plus dissolues que dans les temps de troubles civils ; elles se prostituent[1] à tous les chefs et à tous ceux qui les approchent, sans autre dessein que celui de connaître leurs secrets et d’en user pour leur intérêt ou celui de leur famille. Sans compter qu’elles en retirent un air d’importance dont elles sont flattées. Le cardinal de Retz avait beaucoup d’esprit, mais il était très-laid ; ce qui ne l’empêcha point d’être agacé par les plus jolies femmes de la cour pendant tout le temps de la Fronde.


XVIII.

Savoir faire des coupables, c’est la seule ressource des ministres atroces pour perdre des gens de bien qui les gênent. Il est donc très-important d’être en garde contre cette espèce de méchanceté.


XIX.

Sévir contre les innocents, quand il en est besoin : il n’y a point d’honnête homme que ne puisse faire trembler cette

  1. Voyez cette même idée dans l’écrit sur les Femmes, ci-dessus, page 253.