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X.

Ignorer souvent ce qu’on sait, ou paraître savoir ce qu’on ignore, cela est très-fin ; mais je n’aime pas la finesse.


XI.

Apprendre la langue de Burrhus avec Néron, mærens ac laudans ; il se désolait, mais il louait. Il fallait se désoler, mais il ne fallait pas louer. C’est ce qu’aurait fait Burrhus, s’il eût plus aimé la vérité que la vie.


XII.

Apprendre la langue de Tibère avec le peuple[1], Verba obscura, perplexa, suspensa, eluctantia, in speciem recusantis composita. « Mots obscurs, perplexes, indécis, esquivant toujours entre la grâce et le refus. » Oui, c’est ainsi qu’il faut en user, lorsqu’on craint et qu’on s’avoue qu’on est haï et qu’on le mérite.


XIII.

Étouffer en embrassant ; perfidie abominable.


XIV.

Froncer le sourcil sans être fâché ; sourire au moment du dépit ; pauvre ruse, dont on n’a que faire quand on est bon, et qu’on dédaigne quand on est grand.


XV.

Faire échouer par le choix des moyens ce qu’on ne saurait empêcher. J’approuve fort cette ruse, pourvu que l’on s’en serve pour empêcher le mal, et non pas pour empêcher le bien ; car il est certain qu’il y a des circonstances où l’on est forcé de suppléer à l’ongle du lion qui nous manque, par la queue du renard.

  1. Ce sont plusieurs passages de Tacite que Diderot réunit ici en un seul. (N.)