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La distinction du physique et du moral n’est-elle pas aussi solide que celle d’animal qui sent et d’animal qui raisonne ?

Ce qui appartient à l’être qui sent et ce qui appartient à l’être qui réfléchit ne se trouvent-ils pas tantôt réunis, tantôt séparés dans presque toutes les actions qui font le bonheur ou le malheur de notre vie, bonheur et malheur qui supposent la sensation physique comme condition, c’est-à-dire qu’il ne faut pas être un chou ?

Tant il était important de ne pas faire de sentir et de juger deux opérations parfaitement identiques.


CHAPITRE VII.


Voici son titre : La sensibilité physique est la cause unique de nos actions, de nos pensées, de nos passions, de notre sociabilité.

Remarquez bien qu’il ne dit pas une condition primitive, essentielle, comme l’impénétrabilité l’est au mouvement, ce qui est incontestable, mais la cause, la cause unique, ce qui me semble presque aussi évidemment faux.

Page 108. — C’est pour se nourrir, se vêtir, c’est pour parer sa femme ou sa maîtresse… que ce laboureur fatigue.

Mais parer sa femme ou sa maîtresse, est-ce d’un animal qui sent ou d’un homme qui juge ? Lorsqu’on l’embellit, c’est quelquefois pour susciter un plaisir physique dans les autres ; pour l’éprouver soi, quand on aime, c’est un apprêt superflu.

Page 109. — Qu’est-ce qui nous fait aimer jusqu’au petit jeu ? La crainte de l’ennui.

Mais l’ennui est-il de l’animal ou de l’homme ? Et celui qui joue pour se récréer ? Et celui qui joue parce qu’il excelle au jeu ?

Qu’est-ce qui nous fait aimer le gros jeu ?

La paresse, qui, de tous les moyens de faire une grande fortune, choisit le plus hasardeux, mais le plus court. L’avidité qui se jette sur la dépouille d’un autre, sans égard à son désespoir. L’orgueil, etc. Qu’est-ce qu’il y a d’animal et de physique dans ces différents motifs ?

Pourquoi secourt-on celui qui souffre ? C’est qu’on s’identifie avec lui.