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préférence mutuelle, en conséquence de laquelle il se forme une union plus ou moins durable, qui perpétue l’espèce par la reproduction des individus, le mariage est dans la nature.

A. Je le pense comme vous ; car cette préférence se remarque non-seulement dans l’espèce humaine, mais encore dans les autres espèces d’animaux : témoin ce nombreux cortège de mâles qui poursuivent une même femelle au printemps dans nos campagnes, et dont un seul obtient le titre de mari. Et la galanterie ?

B. Si vous entendez par galanterie cette variété de moyens énergiques ou délicats que la passion inspire, soit au mâle, soit à la femelle, pour obtenir cette préférence qui conduit à la plus douce, la plus importante et la plus générale des jouissances ; la galanterie est dans la nature.

A. Je le pense comme vous. Témoin cette diversité de gentillesses pratiquées par le mâle pour plaire à la femelle ; par la femelle pour irriter la passion et fixer le goût du mâle. Et la coquetterie ?

B. C’est un mensonge qui consiste à simuler une passion qu’on ne sent pas, et à promettre une préférence qu’on n’accordera pas. Le mâle coquet se joue de la femelle ; la femelle coquette se joue du mâle : jeu perfide qui amène quelquefois les catastrophes les plus funestes ; manège ridicule, dont le trompeur et le trompé sont également châtiés par la perte des instants les plus précieux de leur vie.

A. Ainsi la coquetterie, selon vous, n’est pas dans la nature ?

B. Je ne dis pas cela.

A. Et la constance ?

B. Je ne vous en dirai rien de mieux que ce qu’en a dit Orou à l’aumônier. Pauvre vanité de deux enfants qui s’ignorent eux-mêmes, et que l’ivresse d’un instant aveugle sur l’instabilité de tout ce qui les entoure !

A. Et la fidélité, ce rare phénomène ?

B. Presque toujours l’entêtement et le supplice de l’honnête homme et de l’honnête femme dans nos contrées ; chimère à Taïti.

A. Et la jalousie ?

B. Passion d’un animal indigent et avare qui craint de