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L’AUMÔNIER.

Et ces voiles gris ?

OROU.

Le signe de la maladie périodique. Celle qui quitte ce voile, et se mêle avec les hommes, est une libertine ; celui qui le relève, et s’approche de la femme malade, est un libertin.

L’AUMÔNIER.

Avez-vous des châtiments pour ce libertinage ?

OROU.

Point d’autre que le blâme.

L’AUMÔNIER.

Un père peut-il coucher avec sa fille, une mère avec son fils, un frère avec sa sœur, un mari avec la femme d’un autre ?

OROU.

Pourquoi non ?

L’AUMÔNIER.

Passe pour la fornication ; mais l’inceste, mais l’adultère !

OROU.

Qu’est-ce que tu veux dire avec tes mots, fornication, inceste, adultère ?

L’AUMÔNIER.

Des crimes, des crimes énormes, pour l’un desquels on brûle dans mon pays.

OROU.

Qu’on brûle ou qu’on ne brûle pas dans ton pays, peu m’importe. Mais tu n’accuseras pas les mœurs d’Europe par celles de Taïti, ni par conséquent les mœurs de Taïti par celles de ton pays : il nous faut une règle plus sûre ; et quelle sera cette règle ? En connais-tu une autre que le bien général et l’utilité particulière ? À présent, dis-moi ce que ton crime inceste a de contraire à ces deux fins de nos actions ? Tu te trompes, mon ami, si tu crois qu’une loi une fois publiée, un mot ignominieux inventé, un supplice décerné, tout est dit. Réponds-moi donc, qu’entends-tu par inceste ?

L’AUMÔNIER.

Mais un inceste

OROU.

Un inceste ?… Y a-t-il longtemps que ton grand ouvrier sans tête, sans mains et sans outils, a fait le monde ?