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de la liqueur séminale nous rassurent ; au moment où la jeune fille se fane, s’ennuie, est d’une maturité propre à concevoir des désirs, à en inspirer et à les satisfaire avec utilité, le père détache la chaîne à son fils et lui coupe l’ongle du doigt du milieu de la main droite. La mère relève le voile de sa fille. L’un peut solliciter une femme, et en être sollicité ; l’autre, se promener publiquement le visage découvert et la gorge nue, accepter ou refuser les caresses d’un homme. On indique seulement d’avance, au garçon les filles, à la fille les garçons, qu’ils doivent préférer. C’est une grande fête que le jour de l’émancipation d’une fille ou d’un garçon. Si c’est une fille, la veille, les jeunes garçons se rassemblent autour de la cabane, et l’air retentit pendant toute la nuit du chant des voix et du son des instruments. Le jour, elle est conduite par son père et par sa mère dans une enceinte où l’on danse et où l’on fait l’exercice du saut, de la lutte et de la course. On déploie l’homme nu devant elle, sous toutes les faces et dans toutes les attitudes. Si c’est un garçon, ce sont les jeunes filles qui font en sa présence les frais et les honneurs de la fête et exposent à ses regards la femme nue, sans réserve et sans secret. Le reste de la cérémonie s’achève sur un lit de feuilles, comme tu l’as vu à ta descente parmi nous. À la chute du jour, la fille rentre dans la cabane de ses parents, ou passe dans la cabane de celui dont elle a fait choix, et y reste tant qu’elle s’y plaît.

L’AUMÔNIER.

Ainsi cette fête est ou n’est point un jour de mariage ?

OROU.

Tu l’as dit…

A. Qu’est-ce que je vois là en marge ?

B. C’est une note, où le bon aumônier dit que les préceptes des parents sur le choix des garçons et des filles étaient pleins de bon sens et d’observations très-fines et très-utiles ; mais qu’il a supprimé ce catéchisme, qui aurait paru à des gens aussi corrompus et aussi superficiels que nous, d’une licence impardonnable ; ajoutant toutefois que ce n’était pas sans regret qu’il avait retranché des détails où l’on aurait vu, premièrement, jusqu’où une nation, qui s’occupe sans cesse d’un objet important, peut être conduite dans ses recherches, sans les secours de la physique et de l’anatomie ; secondement, la diffé-