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DIDEROT.

Je vous disais… Mais cela va nous écarter de notre première discussion.

D’ALEMBERT.

Qu’est-ce que cela fait ? Nous y reviendrons ou nous n’y reviendrons pas.

DIDEROT.

Me permettriez-vous d’anticiper de quelques milliers d’années sur les temps ?

D’ALEMBERT.

Pourquoi non ? Le temps n’est rien pour la nature.

DIDEROT.

Vous consentez donc que j’éteigne notre soleil ?

D’ALEMBERT.

D’autant plus volontiers que ce ne sera pas le premier qui se soit éteint.

DIDEROT.

Le soleil éteint, qu’en arrivera-t-il ? Les plantes périront, les animaux périront, et voilà la terre solitaire et muette. Rallumez cet astre, et à l’instant vous rétablissez la cause nécessaire d’une infinité de générations nouvelles entre lesquelles je n’oserais assurer qu’à la suite des siècles nos plantes, nos animaux d’aujourd’hui se reproduiront ou ne se reproduiront pas.

D’ALEMBERT.

Et pourquoi les mêmes éléments épars venant à se réunir, ne rendraient-ils pas les mêmes résultats ?

DIDEROT.

C’est que tout tient dans la nature, et que celui qui suppose un nouveau phénomène ou ramène un instant passé, recrée un nouveau monde.

D’ALEMBERT.

C’est ce qu’un penseur profond ne saurait nier. Mais pour en revenir à l’homme, puisque l’ordre général a voulu qu’il fût ; rappelez-vous que c’est au passage d’être sentant à l’être pensant que vous m’avez laissé.

DIDEROT.

Je m’en souviens.