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NOTICE PRÉLIMINAIRE


Dans une de ses lettres à Mlle  Voland, datée du 2 septembre 1769, Diderot s’exprime ainsi : « Je crois vous avoir dit que j’avais fait un dialogue entre D’Alembert et moi. En le relisant il m’a pris fantaisie d’en faire un second et il a été fait. Les interlocuteurs sont D’Alembert qui rêve, Bordeu et l’amie de D’Alembert, Mlle  de l’Espinasse. Il est intitulé le Rêve de D’Alembert. Il n’est pas possible d’être plus profond et plus fou. J’y ai ajouté après coup cinq ou six pages capables de faire dresser les cheveux à mon amoureuse ; aussi ne les verra-t-elle jamais ! Mais ce qui va bien vous surprendre, c’est qu’il n’y a pas un mot de religion et pas un seul mot déshonnête. Après cela je vous défie de deviner ce que ce peut être. »

Le 11 septembre il revient sur ce sujet et dit : « Si j’avais voulu sacrifier la richesse du fond à la noblesse du ton, Démocrite, Hippocrate et Leucippe auraient été mes personnages ; mais la vraisemblance m’aurait renfermé dans les bornes étroites de la philosophie ancienne, et j’y aurais trop perdu. Cela est de la plus haute extravagance, et tout à la fois de la philosophie la plus profonde ; il y a quelque adresse à avoir mis mes idées dans la bouche d’un homme qui rêve : il faut souvent donner à la sagesse l’air de la folie, afin de lui procurer ses entrées : j’aime mieux qu’on dise : « Mais cela n’est pas si insensé qu’on croirait bien, » que de dire : « Écoutez-moi, voici des choses très-sages. »

Ce qui est vrai, c’est qu’il y a dans ces dialogues des choses très-sages, très-vraies et que Diderot y montre une connaissance approfondie de la physiologie, qui commençait à être une science expérimentale sérieuse et dont il devançait même les conclusions.

Mais, comme il le fait remarquer, il y a aussi des choses très-folles, et ce sont les applications qu’il fait de ses idées à la morale sociale. Elles sont folles parce qu’elles s’attaquent à des conventions, à des pré-