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LETTRE À MON FRÈRE


Du 29 décembre 1760[1]


Humani juris et naturalis potestatis est unicuique quod putaverit, colere, nec alii obest aut prodest alterius religio. Sed nec religionis est cogere religionem, quæ sponte suscipi debeat, non vi ; cum et hostiæ ab animo lubenti expostulentur.
Tertul. Apolog. Ad scapul.


Voilà, cher frère, ce que les chrétiens faibles et persécutés disaient aux idolâtres qui les traînaient aux pieds de leurs autels.

Il est impie d’exposer la religion aux imputations odieuses de tyrannie, de dureté, d’injustice, d’insociabilité, même dans le dessein d’y ramener ceux qui s’en seraient malheureusement écartés.

L’esprit ne peut acquiescer qu’à ce qui lui paraît vrai ; le cœur ne peut aimer que ce qui lui semble bon. La contrainte fera de l’homme un hypocrite s’il est faible, un martyr s’il est courageux. Faible ou courageux, il sentira l’injustice de la persécution, et il s’en indignera.

L’instruction, la persuasion et la prière, voilà les seuls moyens d’étendre la religion.

Tout moyen qui excite la haine, l’indignation et le mépris est impie.

  1. Naigeon a placé, dans son édition, cette lettre à la suite de l’Apologie de l’abbé de Prades. Il y a, en effet, des raisons qui autorisent ce rapprochement. Nous suivrons l’exemple de Naigeon, en faisant remarquer toutefois, comme lui, que la plupart des matériaux employés dans cette lettre ont servi pour l’article Intolérance, de l’Encyclopédie.