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NOTE

On s’est peut-être étonné de ne pas trouver au bas des pages de cette Lettre de renvois aux passages du livre de l’abbé Batteux auxquels s’adressent les critiques, si modérées dans la forme, de Diderot. La raison de notre silence peut surprendre, mais elle est propre, croyons-nous, à nous servir d’excuse. Il n’y a en réalité presque aucun rapport entre les deux ouvrages. En voici la preuve :

L’abbé Batteux divise son livre en trois parties : « Dans la première on examine, dit-il, quelle peut être la nature des arts, quelles en sont les parties et les différences essentielles, et on montre par les qualités mêmes de l’esprit humain que l’imitation de la nature doit être leur objet commun et qu’ils ne diffèrent entre eux que par le moyen qu’ils emploient pour exécuter cette imitation. Les moyens de la peinture, de la musique, de la danse sont les couleurs, les sons, les gestes ; celui de la poésie est le discours. De sorte qu’on voit d’un côté la liaison intime et l’espèce de fraternité qui unit tous les arts, tous enfants de la nature, se proposant le même but, se réglant par les mêmes principes : de l’autre côté leurs différences particulières, ce qui les sépare et les distingue entre eux. »

L’auteur démontre en premier lieu que l’esprit humain n’a pas tiré les arts de son propre fonds, qu’il est incapable de créer et que dans ce cas particulier il n’a pu qu’imiter, copier ce que lui offrait la nature ; mais il serait mauvais de se borner à imiter. Il faut choisir les objets qu’on veut copier et rassembler souvent des traits pris chez divers modèles. C’est le goût qui doit décider de ce choix.

« Il est un bon goût, qui est seul bon ;» c’est un sentiment rapide que les anciens paraissent avoir trouvé sans effort et que les modernes ne ressentent que par hasard. Il y a des lois qui n’ont pour objet que l’imitation de la belle nature, et la belle nature doit renfermer toutes les qualités du beau et du bon. On n’en peut juger que par la comparaison, qui fait découvrir dans une œuvre d’art si l’ordre, la symétrie et en même temps l’imitation sont convenablement conjoints.

Jusque-là tout se passe en généralités un peu banales qui ont cepen dant encore cours. Dans la troisième partie l’abbé arrive aux exemples