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NOTICE PRÉLIMINAIRE




Entre la Lettre sur les aveugles et la Lettre sur les sourds-muets, Diderot avait commencé la publication de l’Encyclopédie, et c’est pendant cette première période d’une fièvre qui devait durer trente ans, qu’il trouva le temps de répondre à l’ouvrage de l’abbé Batteux : Les Beaux-Arts réduits à un même principe. La lettre est adressée à l’auteur même que Diderot veut combattre, et quoiqu’elle ait été faite sur des notes depuis longtemps préparées pour servir de matériaux à l’Encyclopédie, on n’y trouve aucune trace de la précipitation avec laquelle ces notes furent réunies ; on y remarque au contraire beaucoup de tact, d’esprit et de politesse.

Une discussion s’est élevée au sujet d’une idée mise en avant dans cet ouvrage, celle du Muet de convention. Cette idée a-t-elle été empruntée par Condillac à Diderot ? Il faut se rappeler que Diderot était à cette époque lié avec Condillac, que lui avait fait connaître Rousseau. Il y avait hebdomadairement, nous dit ce dernier (Confessions, liv. Ier), entre ces trois hommes des dîners au Panier fleuri. L’idée ne pourrait-elle pas être née spontanément de cette association, ou tout au moins le germe n’a-t-il pas pu en sortir pour se développer parallèlement chez Diderot et chez Condillac ? Il n’y aurait là rien qu’une de ces choses qui se voient tous les jours. Un lièvre surgit, deux chasseurs le tirent à la fois. À qui appartient-il ?

Quoi qu’il en soit, voici ce que nous lisons à ce propos dans l’édition Brière de Diderot.

« L’idée du Muet de convention, celle de décomposer un homme pour bien considérer ce qu’il tient des sens qu’il possède, et celle d’une société de cinq personnes dont chacune n’aurait qu’un seul des sens, donnèrent évidemment naissance à la statue organisée intérieurement