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XIX.


De deux religions, celle-là doit être préférée, qui est le plus évidemment de Dieu, et le moins évidemment des hommes. Or la loi naturelle est évidemment de Dieu ; et elle est infiniment plus évidemment de Dieu, qu’il n’est évident qu’aucune autre religion ne soit pas des hommes : car il n’y a point d’objection contre sa divinité, et elle n’a pas besoin de preuves ; au lieu qu’on fait mille objections contre la divinité des autres, et qu’elles ont besoin, pour être admises, d’une infinité de preuves.


XX.


Cette religion est préférable, qui est la plus analogue à la nature de Dieu ; or, la loi naturelle est la plus analogue à la nature de Dieu. Il est de la nature de Dieu d’être incorruptible ; or l’incorruptibilité convient mieux à la loi naturelle qu’à aucune autre ; car les préceptes des autres lois sont écrits dans des livres sujets à tous les événements des choses humaines, à l’abolition, à la mésinterprétation, à l’obscurité, etc. Mais la religion naturelle, écrite dans le cœur, y est à l’abri de toutes les vicissitudes ; et si elle a quelque révolution à craindre de la part des préjugés et des passions, ces inconvénients-là sont communs avec les autres cultes qui d’ailleurs sont exposés à des sources de changements qui leur sont particulières.


XXI.


Ou la religion naturelle est bonne, ou elle est mauvaise. Si elle est bonne, cela me suffit ; je n’en demande pas davantage : si elle est mauvaise, la vôtre pèche donc par les fondements.


XXII.


S’il y avait quelque raison de préférer la religion chrétienne à la religion naturelle, c’est que celle-là nous offrirait sur la nature de Dieu et de l’homme des lumières qui nous manqueraient dans celle-ci : or il n’en est rien ; car le christianisme, au lieu d’éclaircir, donne lieu à une multitude infinie de ténèbres