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d’un bon moyen c’est d’être suffisant. Mais, si la religion naturelle était absolument suffisante avec la grâce ou lumière universelle, pour soutenir un homme dans le chemin de la probité, qui est-ce qui m’assurera que cela n’est jamais arrivé ? D’ailleurs, la religion révélée ne sera plus que pour le mieux, et non pas de nécessité absolue ; et s’il est arrivé à un naturaliste de persister dans le bien, il aura infiniment mieux mérité que le chrétien, puisqu’ils auront fait l’un et l’autre la même chose, mais le naturaliste avec infiniment moins de secours.


XVII.


Mais je demande qu’on me dise sincèrement laquelle des deux religions est la plus facile à suivre, ou la religion naturelle ou la religion chrétienne. Si c’est la religion naturelle, comme je crois qu’on n’en peut jamais douter, le christianisme n’est donc qu’un fardeau surajouté et n’est donc plus une grâce ; ce n’est donc qu’un moyen très difficile de faire ce qu’on pouvait faire facilement. Si l’on répond que c’est la loi chrétienne, voici comme j’argumente. Une loi est d’autant plus difficile à suivre que ses préceptes sont plus multipliés et plus rigides. Mais, dira-t-on, les secours pour les observer sont plus forts en comparaison des secours de la loi naturelle, que les préceptes de ces deux lois ne diffèrent par le nombre et la difficulté des préceptes. Mais, répondrai-je, qui est-ce qui a fait ce calcul et cette compensation ? Et n’allez pas me répondre que c’est Jésus-Christ et son Église ; car cette réponse n’est bonne que pour un chrétien et je ne le suis pas encore : il s’agit de me le rendre et ce ne sera pas apparemment par des solutions qui me supposent tel. Cherchez-en donc d’autres.


XVIII.


Tout ce qui a commencé aura une fin, et tout ce qui n’a point eu de commencement ne finira point. Or le christianisme a commenté, or le judaïsme a commencé, or il n’y a pas une seule religion sur la terre dont la date ne soit connue, excepté la religion naturelle, donc elle seule ne finira point et toutes les autres passeront.