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LIII.

Et de quoi se courrouce-t-il si fort, ce Dieu ? Et ne dirait-on pas que je puisse quelque chose pour ou contre sa gloire, pour ou contre son repos, pour ou contre son bonheur ?

LIV.

On veut que Dieu fasse brûler le méchant, qui ne peut rien contre lui, dans un feu qui durera sans fin ; et on permettrait à peine à un père de donner une mort passagère à un fils qui compromettrait sa vie, son honneur et sa fortune !

LV.

Ô chrétiens ! vous avez donc deux idées différentes de la bonté et de la méchanceté, de la vérité et du mensonge. Vous êtes donc les plus absurdes des dogmatistes, ou les plus outrés des pyrrhoniens.

LVI.

Tout le mal dont on est capable n’est pas tout le mal possible : or, il n’y a que celui qui pourrait commettre tout le mal possible qui pourrait aussi mériter un châtiment éternel. Pour faire de Dieu un être infiniment vindicatif, vous transformez un ver de terre en un être infiniment puissant.

LVII.

À entendre un théologien exagérer l’action d’un homme que Dieu fit paillard, et qui a couché avec sa voisine, que Dieu fit complaisante et jolie, ne dirait-on pas que le feu ait été mis aux quatre coins de l’univers ? Eh ! Mon ami, écoute Marc-Aurèle, et tu verras que tu courrouces ton Dieu pour le frottement illicite et voluptueux de deux intestins[1].

  1. M. de Joly, traducteur timoré de Marc-Aurèle, s’est retranché, pour cette phrase, derrière la version italienne du cardinal François Barberino, neveu du pape Urbain VIII. La voici : l’amour est « un diletico dell’intestino e con qualche convulsione una egestione d’un moccino. » (Pensées de l’empereur Marc-Aurèle, Paris, 1770, p. 214). C’est à peu près la définition du professeur Lallemand de Montpellier : « l’amour n’est que l’attraction de deux muqueuses. »