Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.

était un ignorant, il faut bien que j’accuse la tradition d’être fabuleuse. Quelle application ne ferais-je point de ces tableaux aux saintes Écritures, si je ne savais combien il importe peu que ce qu’elles contiennent soit bien ou mal dit ? Les prophètes se sont piqués de dire vrai, et non pas de bien dire. Les apôtres sont-ils morts pour autre chose que pour la vérité de ce qu’ils ont dit ou écrit ? Or, pour en revenir au point que je traite, de quelle conséquence n’était-il pas de conserver des auteurs profanes qui ne pouvaient manquer de s’accorder avec les auteurs sacrés, au moins sur l’existence et les miracles de Jésus-Christ, sur les qualités et le caractère de Ponce-Pilate, et sur les actions et le martyre des premiers chrétiens ?

XLVI.

Un peuple entier, me direz-vous, est témoin de ce fait ; oserez-vous le nier ? Oui, j’oserai, tant qu’il ne me sera pas confirmé par l’autorité de quelqu’un qui ne soit pas de votre parti, et que j’ignorerai que ce quelqu’un était incapable de fanatisme et de séduction. Il y a plus. Qu’un auteur d’une impartialité avouée me raconte qu’un gouffre s’est ouvert au milieu d’une ville ; que les dieux consultés sur cet événement ont répondu qu’il se refermera si l’on y jette ce que l’on possède de plus précieux ; qu’un brave chevalier s’y est précipité, et que l’oracle s’est accompli : je le croirai beaucoup moins que s’il eût dit simplement qu’un gouffre s’étant ouvert, on employa un temps et des travaux considérables pour le combler. Moins un fait a de vraisemblance, plus le témoignage de l’histoire perd de son poids. Je croirais sans peine un seul honnête homme qui m’annoncerait que Sa Majesté vient de remporter une victoire complète sur les alliés ; mais tout Paris m’assurerait qu’un mort vient de ressusciter à Passy, que je n’en croirais rien. Qu’un historien nous en impose, ou que tout un peuple se trompe, ce ne sont pas des prodiges.

XLVII.

Tarquin projette d’ajouter de nouveaux corps de cavalerie à ceux que Romulus avait formés. Un augure lui soutient que toute innovation dans cette milice est sacrilège, si les dieux ne