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XXXIII.

On risque autant à croire trop, qu’à croire trop peu. Il n’y a ni plus ni moins de danger à être polythéiste qu’athée : or, le scepticisme peut seul garantir également, en tout temps et en tout lieu, de ces deux excès opposés.

XXXIV.

Un semi-scepticisme est la marque d’un esprit faible ; il décèle un raisonneur pusillanime, qui se laisse effrayer par les conséquences ; un superstitieux, qui croit honorer son Dieu par les entraves où il met sa raison ; une espèce d’incrédule, qui craint de se démasquer à lui-même : car si la vérité n’a rien à perdre à l’examen, comme en est convaincu le semi-sceptique, que pense-t-il au fond de son âme de ces notions privilégiées qu’il appréhende de sonder, et qui sont placées dans un recoin de sa cervelle, comme dans un sanctuaire dont il n’ose approcher ?

XXXV.

J’entends crier de toute part à l’impiété. Le chrétien est impie en Asie, le musulman en Europe, le papiste à Londres, le calviniste à Paris, le janséniste au haut de la rue Saint-Jacques, le moliniste au fond du faubourg Saint-Médard. Qu’est-ce donc qu’un impie ? Tout le monde l’est-il, ou personne ?

XXXVI.

Quand les dévots se déchaînent contre le scepticisme, il me semble qu’ils entendent mal leur intérêt, ou qu’ils se contredisent. S’il est certain qu’un culte vrai, pour être embrassé, et qu’un faux culte, pour être abandonné, n’ont besoin que d’être bien connus, il serait à souhaiter qu’un doute universel se répandît sur la surface de la terre, et que tous les peuples voulussent bien mettre en question la vérité de leurs religions : nos missionnaires trouveraient la bonne moitié de leur besogne faite.

XXXVII.

Celui qui ne conserve pas par choix le culte qu’il a reçu par éducation, ne peut non plus se glorifier d’être chrétien ou