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main, au personnage placé vis-à-vis de lui. Théocritu ’ parle d’une cérémonie de Diane, où figurait, entre autres animaux féroces, une lionne. Apulée ’, décrivant la procession d’isis, d’après ce qu’il a vu, y fait figurer une ourse apprivoisée, portée dans une chaise et accoutrée comme une noble dame. Selon Sénéque ’, les ours, les lions, les tigres même, un collier au cou. la crinière dorée, c’est-à-dire tout imprégnée de poudre d’or, allant, venant en liberté dans les maisons, se laissaient manier sans colère, même la gueule ’", et recherchaient les caresses de leur maître. Cette dangereuse fantaisie devint assez commune pour donner lieu à des règlements de police. Un édit des édiles défendait d’avoir un chien, un verrat, un sanglier, une panthère, un ours, un loup ou un lion sans attache et dans un lieu où l’on passe ordinairement ". On dit que ce fut le Carthaginois Hannon qui osa le premier manier un lion et le montrer apprivoisé ’-. Son adresse, ou plutôt sa dangereuse folie d’orgueil (il voulait passer pour un Dieu), effraya ses concitoyens qui le bannirent ". Cependant cet art semble remonter plus haut. Les Indiens employaient à la chasse les lions de leur pays ; ils les menaient en laisse ’*. On nourrissait au temple d’Anaïtis, dans l’Élymaïde, en Perse, des lions assez apprivoisés pour venir caresser les personnes qui y entraient ". Dans la plupart des tentatives, faites plus tard pour assujettir aux volontés d’un maître les animaux les plus sauvages, il ne faut voir d’abord que des fantaisies de despotes, qui veulent que tout paraisse céder à leur empire, et pensent ainsi se mettre au rang des dieux. Us prennent à la lettre les poétiques symboles de la Grèce primitive, ou bien de ces fables ingénieuses ils veulent l’aire des réalités pour en imposer à la faible imagination du vulgaire. Bacchus, conquérant de l’Inde, était revenu de ces contrées lointaines porté sur un char traîné par des tigres’* ; Cybèle, la Mère des dieux, avait un attelage de lions ; selon les légendes de la Thessalie ", Pélias, roi de ce pays, avait promis sa fille Alceste à celui qui soumettrait au joug des lions et des sangliers ; Apollon, qui servait chez Admète, donna à son maître le moyen de rempHr cette tâche, et d’épouser la femme qu’il aimait " ; Orphée, disait-on, avait apprivoisé les plus terribles animaux et adouci leur rage" ; une ancienne légende attribuait la même puissance à la parole de Pythagore : des bœufs sauvages, des aigles, des ourses, s’étaient montrés dociles à sa voix-" ; dans les siècles de décadence, des hommes qui se disaient, et peut-être se croyaient les maîtres du monde, prétendirent, en asservissant à leurs caprices les êtres les plus rebelles, faire croire que la nature entière obéissait à leurs lois. Des médailles en grand nombre, représentent des divinités ou des souverains sur des chars tirés par des éléphants ". Dans la pompe dionysiaque du roi ’grec d’Egypte Ptolémée-Philadelphe, figurèrent vingt-quatre chars traînés par des éléphants, soixante par des boucs accouplés, douze par des lions, etc. ". Les plus odieux tyrans de

n, 66 et s. — 8 Melam. XI, — s gcn. De ira, U, 31 ; De benef. I, 3 ; Ep. 

LXXXV, 51 i sut. SiVi). n, 5 ; Purph. Alistin. ni, 20. — 10 Manil. Astr. IV, 234 ; V, 696 et 5. - 11 Dig. XXI. 1, 40-.ii ; Justin. I„slit. IV, 9, 1. - 12 Plin. Hist. m,t. VllI, 21. - 15 Aelian. Var. Iml. V, 39 ; XIV, ao ; Plut. Pmec. polit. 3. — 1* Aellan. Nat. a«. XVII, 26. — «74. Xll,i3. — 16 Hor.tid. 111,3, 13 ; Virg. .le,,. VI, S05 ; Oiid. Avs am. I, S49 ; Sil. XVII, 618 ; Son. Oedip. 4i5j Mart. VUI, 26, etc. — " Apolloil. DM. I, IX, 15 ; Antliot. graec. J.ii-obs, nv, 50, p. 655. — 18 Voy. à l’article «niiEiis des rcpréscutatious de eettc li^gendc. — 19 Ilor. Ail Pis. 391 et s. ; Propcit. m, 2, 1. etc. — ÎO Jamblic. Pt/(harj.

i.— si voy. le beau médaillon de Séleucus,

Vaillant : /list. de Hi/’ic : Ki-ulioli, Aiin. de Hi/rie ; Mem de l.ic. des insci :, t. XXUI, Rome imitèrent ces extravagances. Déjà aux derniers siècles de la république, pour amuser le peuple-roi, on avait fait paraître dans les fêles du cirque, ou combiiltre par centaines les lions, les tigres, les panthères, les éléphants, et aussi les girafes, les autruches, les animaux les plus rares [cmcus, pompa, vknatio]. Pompée, à son premier triomphe, avait eu l’idée d’entrer dans Rome sur un char traîné par quatre éléphants, et il n’avait renoncé à son projet que parce que les portes de la ville s’étaient trouvées trop étroites ". Antoine le triumvir soumit les lions au joug, et le premier les fît voir dans Rome attelés à un char. Ce fut pendant la guerre civile, après la bataille de Pharsale **. Plus tard, il se fit promener par ce même attelage avec la comédienne Cythéris. Un assez grand nombre de monuments offrent l’image de chars attelés de toutes sortes de bêtes, quelquefois sauvages ou féroces, à l’imitation des spectacles du cirque, ce sont ordinairement des amours ou génies qui les conduisent, comme on en a des exemples dans plusieurs bas-reliefs du Louvre’* où des biges sont traînés par des sangliers, des dromadaires, des antilopes ; nous reproduisons ici(fig. 823") un camée -^ où est figuré l’Amour Fig. 823. Lionnes attelées.

conduisant un char attelé de deux lionnes ; on remarquera dans ce dessin agrandi, le harnais orné de pendeloques et de paillettes ou de broderies, semblable à ceux qu’on mettait aux bêtes exposées dans le cirque. On en verra d’autres exemples au mot venatio.

Auguste, qui avait le goût des animaux rares, montra le premier aux Romains un tigre apprivoisé -’. D’autres empereurs allèrent plus loin. On connaît le lion familier de Domitien, dont Stace a chanté la mort-* : on le laissait en liberté ; il sortait de sa cage, il y rentrait à son gré. Sur l’ordre de son maître, il lâchait sans lui faire de mal la proie vivante qu’on lui avait livrée. On pouvait impunément lui mettre la main dans la gueule. Il fut tué dans raniphithéàtre par un tigre (jui, peut-être apprivoisé lui-iiiènie, n’avait pas sans doute entièrement dépouillé sa férocité native ^. Souvent ces brusques retours de cruauté ajoutaient un charme nouveau aux fêtes lui figuraient ces dangereux acteurs. Dans une scène d’Orphée en Thrace, donnée par Domitien, le malheureux qui p. 341 ; et les monnaies impériales ; Spanhcim, De pi’dest. »um. diss., t. U, p. 21 1 ; Ti-e’sor de Numism. Emper. rom., pi. m, 16 ; XXI, 4 ; XXVIII, 17, etc.— « Callîscn. a|i. Athen. V, 32. — 23 plut. Pomp. 14 ; Plin. Bist. not. VllI, 2, — " Plin. liisl. uni. Vin, 21 ; Plut. Ant. 9 ; CiciT. Philip. 11, 24 ; Ad Altic. X, 13.-2» Unuillon, Mus. des antiq. 111, Bas-reliefs, pi. viii ; Chirac, .-17 m5. descidjit.ph 162. — 26 Stusch, Getmn. ant. cnet. pi. 66 ; lîracei, Memdr. d. incisori, II, pi. ex ; Lipperl, Dccttj’ Uothec. I, 2S8 ; Raspe, Catal. de Tassie, 6731. Voy. aussi Ginzrot, V :agen und Fuhrwerke, II, xiv, p. 218 et pi, lxi, uù l’on voit d’autres bêles pareillement harnachées ; cf. Mart. I, 105. — 27 plin. VllI, 25 ; Serv. ad Virg. Eclog. V, 29 ; Aur. Victor, liiM. 1, 28. — -8 Slat. iitiu. 11, 3. — 20 .Mart. i>p :vt. 1<,IU ; Epiyr. 11, 7j.