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xxxiv
préface

Cette singuliere pieté, qui vous a assemblez à ce service et pompe funebre, me donne esperance de vous avoir aussi doux et favorables auditeurs de ceste mienne action que vous estes affectionnez et charitables à la memoire de celle que nous devons presentement louer. Du Vair, Orais. fun. de la Royne d’Escosse.

Entre autres sens, estat avait ceux de condition, de charge, de train de maison, de costume : Ce doit estre quelque gros personnage, et non pas un homme privé, de bas estat. Amyot, Esprit famil. de Socrate. — Il luy vint en l’entendement d’achepter un estat de conseiller en la cour de parlement. Des Périers, Nouv. Récr., 126. — Si luy bailla Menelaus [à Hélène] nouvel estat, et principalement pour ses compaignes et damoiselles dhonneur, deux de ses parentes. Lemaire de Belges, Illustr., II, 3. — Une jeune pucelle… laquelle sembloit etre de grande parenté, selon que son estat et honneste maintien demonstroit. Louveau, trad. d’Apulée, IV, 5.

Ce mot estat entrait dans la locution faire estat, qui elle-même avait différents sens : Faire cas : Il ne fait pas grand estat de l’eloquence de vostre pere au prix de la sienne. Montaigne, II, 10. — Avoir l’intention : Il faisoit estat d’aller luy mesme en personne leur mener la guerre. Saliat, trad. d’Hérodote, I, 153. — Compter sur : Jamais homme ne se défia tant de sa vie, jamais homme ne feit moins d’estat de sa durée. Montaigne, I, 19. — Être sûr : Faites estat que vous aurez et moy et la royne ma mère pour cruels ennemis. Marg. de Val., Mémoires, p. 84.

Partie avait le sens de parti, de qualité, de compte, de rôle (surtout au figuré), d’époux ou épouse : Ce tyran feit empaler et escorcher plusieurs Chrestiens Grecs et Latins, qui s’estoient rebellez contre son maistre et tenoient la partie des Venitiens. Thevet, Cosmogr., XVIII, 10. — Les principales parties que mon pere chercha fit à ceux à qui il donnoit charge de moy, c’estoit la debonnaireté et facilité de complexion. Montaigne, I, 25 — Je suis honteux des parties que je vous envoie, vous asseurant qu’il m’a plus cousté de choleres en les fournissant, qu’il ne vous coustera d’argent en les acquittant. E. Pasquier, Lettres, XIV, 4. Induciomare tenant les premieres parties entre les Trevires. E. Pasquier, Recherches, I, 2. — Qu’il suyve son train, cognoissant que c’est au nom de Dieu qu’il est marié, et qu’il faut qu’il tiene foy à sa partie, puis qu’elle luy est assignee de Dieu. Calvin, 4e Serm. sur l’Epistre à Tite.

On sait quelles variétés de sens peut avoir encore aujourd’hui le mot bon : un bonhomme pouvait être, au xvie siècle, un homme brave, un homme vieux, un paysan : La meilleure defense des places sont les bons hommes en nombre suffisant. La Noue, Disc. pol. et mil., XXVI, 1. — Feu M. de Montpensier le bonhomme dernier mort. Brantôme, Disc. sur les Duels. — Les gentilshommes n’avoient pas le courage si rabaissé de manger le bonhomme. L’Hospital, Reformat. de la Just., 4e partie.

Gros s’employait dans le sens de grand, un gros seigneur : Vous estes riche, et je suis pauvre ; vous estes grand seigneur, et je suis de travail ; vous voudriez des grosses dame, et je suis de basse condition. Louveau, trad. des Nuits de Straparole, V, 4. — Avoir le cœur gros signifiait être orgueilleux ; et, le mot estomac étant souvent employé alors dans le sens de cœur, Calvin a pu désigner l’orgueil par le nom de gros estomac : De peur d’enfler le cœur à celles qui l’aurayent desja assez gros de nature. H. Estienne, Conformité, I, 2. — Il viendra là jetter ses bouffees et son gros estomac. Calvin, 37e Serm. sur l’Ep. aux Galates. — Gros avait aussi le sens de grossier : Nous disons… il parle du latin de cuisine… les autres disent gros latin. H. Estienne, Conformité, I, 1.

Brave, récemment venu d’Italie, avait des significations multiples. Il signifiait