Page:Dictionnaire de la langue française du seizième siècle-Huguet-Tome1.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ABISME
11

I, 9. — Il estima la promesse tant abhorrente et impossible, qu’oncques l’aureille praester ne luy voulut, ne donner audience. id., III, 16. — Je vous menerois à logicalement inferer une proposition bien abhorrente et paradoxe. id., III, 19. — Combien que pour lors nous semblassent ces propheties aulcunement abhorrentes et estranges. id., III. — Affin de remettre leurs sens… effarouchez par affections abhorrentes, en bonne et philosophicque discipline. id., III, 45. — Au Roy sembloit indecent que en sa cuisine le Poete faisoit telle fricasses. Le Poete luy remonstroit, que chose trop plus abhorrente estoit rencontrer le Roy en cuisine. id., IV, 11. — Chose griefve, abhorrente, et desnaturee est perir en mer. id., IV, 22.

Abhorrer. Abhorrer de. Ne pas s’accorder avec. — L’usage, qui est religieusement gardé par toute la chrestienté, à nommer les jours de la semaine par le nom des planetes, monstre tres evidemment que l’influence celeste n’abhorre de la pieté chrestienne. Cholières, 8e Ap. disnée (p. 316).

Abhorrer une opinion. La repousser. — Afin que desormais n’abhorrez l’opinion de Platon, Anaxagoras, et Democritus (Furent-ils petis philosophes ?). Rabelais, 9.

Abhorrir. Abhorrer, avoir en horreur. — Plusieurs… ont abhorry le nom de servitude, quilz reputent deshonneste, et ont mieulx aymé endurer le nom destro veincuz. Seyssel, trad. de Thucidide, V, 12 (181). — Le jeune Antiochus… congnoissant et abhorrissant la temerité de ses folles amours, ne sen osait descouvrir à personne. id., trad. d’Appien, Guerre Syriaque, ch. 7. — Les anciens Rommains… abhorrissoient les usures, ainsi que faisoient les Grecz. id., trad. d’Appien, Guerres civiles, I, 7. — Iceulx fuyez, abhorrissez, et haïssez autant que je foys. Rabelais, II, 34. — [Les moines] de tous sont huez et abhorrys. id., I, 40. — Prendre ce que les autres saiges abhourrissent. Maurice Scève, la Deplourable Fin de Flamete, 8. — Amour… les plus meschans recoit, et les desirez abhorrist et dechasse. id., ib., 16. — Quant tu seras a ta bonne congnoissance retournee, tu loueras ce que a ceste heure tu abhorris et desprises. id., ib., 19. — Meilleur, ô Cœur, m’est d’avoir chaste esté En si pudique, et hault contentement : Et abhorrir pour vil contemnernent Le bien, qu’Amour (Amour lassif) conseille. id., Delie, 28. — Elle ha en soy linfluence de Jupiter, du Soleil et des Planettes, desquelles les diables abhorrissent linfluence. Ant. du Moulin, trad. de la Vertu de la Quinte Essence, 127-128. — ilz abhorrissent de frequenter la compagnie des hommes : et ayment les lieux secretz et ombrageux. id., trad. des Complexions des hommes, 281. — Exaltant la virginité jusques au ciel… abhorrissant et refuyant au contraire tout amour, toute feste, et tout plaisir nuptial. Amyot, Hist. Æthiop., L. II, 30 vº. — Toute chose qui délecte noz sentirnens materielz, tombee à l’accomplissement de celuy qui la desiroit, est naturellement plustost, abhorrie qu’aymee. Pontus de Thyard, trad. de l’Amour de Leon Hebrieu, Dial. 1 (p. 4). — Les autres vivent chichement et durement, abhorrissants les sumptueuses et lascives voluptez. Le Caron, Dialogues, I, 2 (72 vº). — Ceulx qui souffroyent de faict tout ce que font les Roys à leurs subjets, detestoyent et abhorrissoyent encore neantmoins ce nom de Roy. Amyot, Antoine, 12. — Il y en a qu’ils refuient, et abhorrissent, et quelques uns mesmes qu’ils ne daignent pas saluer. id., Comm. Concept. contre les Stoïques, 10. — De celle qu’au paravant on aborrissoit, on en cherche si curieusement la figure si que l’on la trouve par tout. St François de Sales, Defense de la Croix, II, 7. C’est cela mesme qu’ilz rejettent et abhorrissent le plus. id., ib., IV, 15.

Abhorrissement. Horreur, action d’abhorrer. Dont je croy qu’il te viendra une si grande repentence et abhorrissement, que je crains fort que de tes propres mains tu ne te tue, Maurice Scève, la Deplourable Fin de Flamete, 20. — Ne vueillez vous delecter longuement en ung vice, speciallement a cestuy cy, dont la grand continuation faict abhorrissement. id., ib., 26. — On ne se peut contenir quelquefois en des accidens si dignes d’abhorrissement. St François de Sales, Lettres, 496.

Abhourrir, v. Abhorrir.

Abigoti. Devenu bigot. — Ce moine [Jacques Clément] ayant donc esté receu du roi, comme estoyent les moines de cet esprit abigoti. Aubigné, Hist. Univ., XII, 22.

Abiller, v. Habiller.

Abîme, v. Abisme.

Abis. Abîme. — Les yeulx pouvans enclumes amollir, Et les abys de lumieres remplir. Vasquin Filieul, trad. de Pétrarque, L. I, S. 128. — Metz moy au ciel, aux abys, ou en terre, En haut coustaut, en vallée ou maretz. id., ib., L. I, S. 142. —— Et s’il est vray que si grand ton credit Soit es abis et aux cieux comme on dit… Reprens à Mort ce que Mort nous a pris. id., ib., L. II, chant 4.

Abismal. De la nature de l’abîme. — L’Ouest bruyant aux Gouffres abismaulx, Faisant aux Nefz inestimables maulx, Vint campeger devers la Picardie. Apologue du Debat d’Eole et Neptune. Car c’est un creuz abismal de grand mise, Le Fons duquel au certain on n’advise. J. Bouchet, Epistres morales du Traverseur, II, vi, 6.

Abisme. Entre l’abiene des yeux. Être l’objet de la contemplation. — Tu es à son gré la personne De la Cour qui danse le mieux, Tu es l’abîme de ses yeux, Tant tu vas propre et bien en poinct. Melin de Sainct-Gelays, Chansons, 9 (II, 230).

Abisme est souvent féminin. Cestoit une abyme de doleance, un gouffre de pitié. Lemaire de Belges, Couronne Margaritique IV, 40). — Il entendoit combien estoit grande l’abystne de noz pechez. Calvin, Instit., V, p. 321. — En attendant qu’il te plaise choisir Mon cœur au fonds de ceste abysme noire, Et luy donner de ton eau vive à boire. Marg. de Nav., les Marguerites, Oraison de l’aine fidele (I, 106). — Les haults rochers des monstrueuses undes Se sont cachez es abismes profondes. Apologue du Debat d’Eole et Neptune. — On l’eust jugé a l’ouyr et le veoir Une profunde abisme de scavoir. J. Bouchet, Epistres familieres du Traverseur, 68. — Là de la terre, et là de l’onde Sont les racines jusqu’au fond De l’abysme la plus profonde de cest Orque le plus profond. Ronsard, Odes, I, 10 (II, 126). Il sernbloit que les ondes Taschassent de ravir aux abysmes profondes Ceux qui s’estoyent sauvez de la Troyenne cendre. Jodelle, Didon, III (I, 201). — Amour darde ses trains jusqu’au plus creus des ondes, Il balance son vol dessus le vol des nues Et se fait mesme craindre aux abysmes profondes. id., les Amours, Chapitre d’Amour (II, 31). Donques jouis des rayons du Soleil,