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DUCHÉNE — DUCHESNOIS

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cynisme effronté, ses mots orduriers, entremêlés de jurements cl de blïsphèmes, eiichantèrent les <^ncrguinènes ignorants. » Tous les actes des assemblées nationales , les principales autorités, les liomines connus par leur déroucmenl à la cause de la liberté, par leurs lumièies, par leurs vertus publiques et privées, étaient cliaquejour attaqués dans celte feuille ordurière avec le plus impudent et le plus obscène cynisme. Chaque jour, d’innombrables colporteurs ce dispersaient dans Paris, criant, de toute la force de leurs poumons : La grande colère du père Duchène. Il est b en colère aujourd’hui le pire Duchéne ! Chacim de ces écrits quolidicns était signé Hédebt. L’auteur atteignit son but : il obtint de l’argent et un emploi : il fut nommé substitut du procureur de la commune de Paris, et osa braer la Convention en Oagornant R(bespierre et quelques membres du comité de salut public. Il avait compté sur leur appui ; il fut accusé par eux, traduit au tribunal révolutionnaire comme conspirateur, et périt sur l’échafaud. Il parut vers la même époque un autre journal , dans le sens coutre-révolutionnuire, intitulé : La Mère Duchéne. Ce titre populaire ne trompa personne sur les véritables doctrintïs et le.s intentions des auteurs. Il ne put pénétrer dans les masses auxquelles on le destinait Ce n’était qu’une continuation des Actes des Apôtres, moins l’esprit et le latent, qui, à défaut de logique, distinguaient les auteurs de ce recueil. DlFEÏ (<ic l’Youoc).

En 184S, il parut un autre Père Duchéne, qui n’eut pas précisément le succès de l’ancien, et qui, s’il n’envoya pas ses auteurs à l’éclrafaud , Us fit envelopper du moins dans plus d’une proscription (loye ; JooR.N*t ;x).

DUCIIES.N’E (André), né en lâS4, à l’Ile Boucliard, en Touraine, lit de bonne heure une élude sérieuse de l’histoire et de la gi’ographie, spécialité qui lui assura une grande réputat-on. Il devint géographe et historiographe du roi , et le cardinal de Richelieu lui témoigna une bienveillance toute particulière. Sa vie, du reste, n’olfre rien de remarquable. Il mourut en 1C40, écrasé par une charrette, à l’âge de cinquante-six ans. Son nom a été rendu en latin Chesneus, Duchenius, Quercenatus, Quernetis II a laissé de nombreux ouvrages, parmi lesquels on distingue les histoires généalogiques des maisons de Chaslillon -sur-Marne , de Montmorency , de Vergy , des comtes d’Albon et dauphins de Viennois, et des maisons de Guines , d’Ardres, dcGand , de Coucy , de Dreux , de Bar-le- Duc, de Luxembourg , etc. 11 avait commencé une description générale de la France : on l’imprimait même déjà en Hollande ; mais elle lut interrompue, sans que l’on sache pourquoi. On recherche encore les vohmies publiés de la collection à laquelle il a donné le titre de Bistorix Francorum Scnptores. Ces volumes sont au nombre de cinq , dont les deux derniers ont été donnés au public par son fils François Duchesne, ne en ICie, mort en 1693, et qui lut aussi historiographe de France. An.Tiste Saïagxer.

DUCHESNOIS (Catherine-Joséphine R.aFIN, connue sous le nom île .M’i^ i, la première tragidienne de son époque, naquit ers 1780, à Saint-Saulvc, bourg aux portes de Valenciennes. Son père, qui tenait dans ce lieu une |>etite auberge , avait peu d’aisance ; mais sa sœur aînée , qui occu|iait un emploi as.sez avantageux dans la maison de Monsieur, la fit venir à Paris, cl la plaça dans une pension, où elle reçulune éducation soignée. A l’âge deliuitans, la jeune pensionnaire eut occasion de voir MUc Raucourt dans Midée, et celte soirée lui révéla sa vocation. Dès lors elle ne rêva plus que lhi*4tre. En vain cberclia-t-on à la détourner de cette carrière en U plaçant, à son retour à Valencitnnes , connue lenuni’ de chambre, demoiselle de compagnie ou de comptoir. Ce qu’il y a de certain, c’est que des amateurs de la ville ayaiU résolu de donner des représentations pour les pauvres, Josphinc réussit à se faire admettre dans la troupe, représenta lu FaU dans une pitce de circonstance, intitulée : L’EnI revue de Bonaparte et du prince Charles joua Sophie, d.ins le mélodrame de Robert, chef de brigands, et se distingua surtout dans le rôle de Palmyre de Mahomet, où elle enleva les suffrages de ses concitoyens. Exaltée par .«es succès, entraînée par un irrésistible penchant, elle s’enfuit de sa terre natale, et revint chez sa vieille sœur, qui non-seulement lui pardonna, mais chercha encore les moyens de favoriser ses projets. L’aspirante fut d’abord présentée au comédien Florence, espèce de factotum, maître Jacques du Théâtre-Français, qui déclara magistralement qu’on n’en ferait jamais rien : heoreusement deux poêles la jugèrent autrement : Vigéeel Legouvé l’entendirent, Fencouragèrent, elle dernier surtout perfectionna par ses leçons ce talent encore novice. Mais il s’agissait d’obtenir un début sur la scène française ; et ce n’était point facile pour une actrice qui n’avait l’honneur d’être élève ni du Conservatoire, ni d’aucun acteur en crédit. M""^ de Montesson aplanit cet obstacle, et M"’ Ducliesnois débuta par ordre, le 12 juillet 1802, sous les auspices de l’auteur du Mérite des Femmes. Elle avait alors de vingt-deux à vingt-cinq ans ; elle parut dans le rôle de Phèdre, le plus difficile, peut-être du répertoire tragique. Le succès mérité qu’elle y obtint fut si grand, qu’elle le joua huit fois dans le cours de ses débats, et y excita toujours le même enthousiasme. Ce fut par ce rôle qu’elle les termina, le 18 novembre, et elle fut couronnée contre le gré des acteurs. Son triomphe avait été moins éclatant dans Roxane de Bajazet, dans .-triane et dans Didon ; elle avait semblé baisser dans S^mirami5, où il faut moins d’àme que de représentation ; niais elle s’était relevée dans l’Hermioned’ylnrfromflçue, bien que ce personnage fût moins favorable à son talent et à ses moyens que celui de Phèdre.

Déjà les connaisseurs regardaient M"’ Duchesnois comme l’espoir de la scène tragique dans l’emploi d.s reines et des grandes princesses. Mais l’envie s’efforçait de flétrir ses lauriers. Le sévère critique Geoffroy, qui ne se piquai^pas de sensibilité, n’avait pu s’empêcher de donner des éloges dans son feuilleton a l’actrice qui lui avait fait répandre dus larmes malgré lui ; mais ces éloges restrictifs n’étaient pas des louanges, tant s’en faut : il les réservait pour la nouvelle actrice qui allait rivaliser avec M"* Duchesnois. Annoncée depuis quelque temps. M"’ Georges Weimer, dans toute la fraîcheur de la jeunesse et de la beauté, débuta, peu de jours après, le 29 novembre, par le rOle de Clyteiunestre dans Iphigénie en Aulide. Malgré l’anomalie, l’invraisemblance de voir une reine, une inere plus jeune que sa lille, les spectateurs s’emparèrent de la débutante. Les journalistes prirent parti pour l’une ou l’autre des deux actrices. Geoflroy fut le chef de la cabale qui soutenait M"’Geoiges. Il lui prodigua les adulations les plus exagérées, et accabla .M" Duchesnois du ridicule le plus amer et des humiliations les plus outrageantes. Le public se partagea entres les deux étendards, et la salle devint une arène où les partis se livrèrent chaque soir des combats aussi inutiles qu’extravagants. Ce fut surtout lorsque M"’ Georges voulut jouer pliédre que le scandale et le tumulte n’eurent plus de bornes. L’armée de M’" Duchesnois franchit l’orchestre, escalada le théâtre et força les comédiens à promettre qu’elle jouerait Amenaide dans Tancrède pour son admission, à condition que, pour la sienne, .M"° Georges jouerait Merope. Après avoir laissé le champ libre à sa rivale pendant près de deux mois, M"’ Duchesnois parut en effet dans le rOle d’AmCnaide, le 19février ls03. .Mais, malgré les applaiidissemrnts qu’elle y reçut, malgré les recettes qu’elle procura à ses ingrats camarades, il fallut l’intervention de lauturite pour décider sa réception. Ce fut sur l’ordre de l’imperaliice Joséphine, par la protection de Chaptal, alors ministre de l’intérieur, et par arrêté du préM du palais, qu’elle fut reçue sociétaire, ’à quart de part, le ti mars 1S04.